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Lahbib Bentaleb : «Aujourd’hui, le défi est de mieux commercialiser et de booster la transformation»

Selon Lahbib Bentaleb, chef de file des représentants des agriculteurs, la nouvelle feuille de route du secteur agricole devra prioriser l’aval et la petite agriculture.

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Lahbib Bentaleb

Dans cet interview accordée à «La Vie éco», Lahbib Bentaleb, président de la Fédération des Chambres de l’agriculture, dresse un bilan positif du PMV, mais s’attarde surtout sur les contraintes persistantes liées à l’aval du secteur et à la petite agriculture, en proposant des pistes de leviers. Entretien.

Quel bilan dressez-vous du Plan Maroc Vert ?
Un bilan sans conteste positif et encourageant. En fait, les objectifs ont été atteints par la plupart des filières de production. Du côté de l’organisation du secteur, nous avons assisté à une structuration approfondie de l’agriculture marocaine. Professionnels et département de tutelle ont eu l’occasion de faire le point détaillé durant deux journées durant le dernier trimestre de l’année passée. Les deux parties sont unanimes quant à la nécessité de consolider les acquis et lever les contraintes qui persistent encore.

Quelles sont ces contraintes et quelles sont vos propositions pour les dépasser ?
Comme vous le savez, celles-ci ont trait essentiellement à la valorisation et à la commercialisation. Les pics de production et de productivité posent aujourd’hui avec acuité le défi de mieux commercialiser et de booster la transformation. Ceci passera, entre autres, par le soutien à l’entreprise agricole, le renforcement de la logistique et l’ouverture de nouveaux marchés, mais pas que. Le marché intérieur qui absorbe près de 70% de la production nationale demeure désorganisé et déstructuré. Il est plus que jamais urgent de réformer ce marché pour couper l’herbe sous les pieds des intermédiaires, dans l’intérêt de l’agriculteur et du consommateur. SM le Roi a à maintes reprises appelé à rendre justice aux petits agriculteurs qui sont les plus gros perdants de ce statut quo. Pour leur part, les consommateurs paient en moyenne le quadruple du prix payé au producteur, ce qui est un coup dur pour le pouvoir d’achat du citoyen. Souvent, ces intermédiaires ne paient meme pas d’impôt alors que l’agriculteur doit débourser 7% aux communes pour accéder aux marchés de gros. C’est la raison pour laquelle nous demandons la réforme profonde du cadre légal régissant ces marchés. Sur un autre registre, il serait important de mettre en place des programmes spécifiques dédiés au transport et à la logistique. Côté promotion des exportations, nous devons chercher les meilleurs voies pour s’ouvrir sur de nouveaux marchés.

Ne croyez-vous pas que l’ouverture des nouveaux marchés à l’export ne passe pas également par l’amélioration de la qualité de la production nationale pour qu’elle puisse surmonter les barrières non tarifaires ?
Tout à fait, mais ceci n’est pas du ressort du ministère à lui seul. Il est également et surtout du ressort responsabilité des fédérations et des Chambres.
La qualité. A titre d’illustration, le problème des volumes non exportés d’agrumes cette année – qui a ruiné la rentabilité des agriculteurs dans les régions touchées – aurait été évitable, s’il y avait les capacités nécessaires en stockage, en emballage, en caisserie et en froid. Autrement dit, booster l’export passera par le renforcement du poste après-récolte. Pour faire simple, l’idée est de dupliquer la réussite du PMV en amont et au niveau de l’aval. Sur un autre registre, il est temps de créer les conditions pour la montée en puissance des entreprises de services agricoles pour que les agriculteurs se concentrent sur le cœur de leur métier. Cette tendance commence à s’installer chez les grands agriculteurs. Reste à assister le regroupement des petits agriculteurs pour qu’ils puissent eux-aussi recourir à ces entreprises. Et ce n’est pas les moyens humains qui manquent, grâce au système de formation agricole.

Quid du conseil agricole ?
Ce qui a été fait pour l’instant est fondateur. L’office national du conseil agricole (ONCA) a accéléré la cadence du déploiement de sa stratégie. Des centaines de conseillers privés ont été agréés. Là encore, il faut démocratiser ce service via la subvention des prestations de conseil. C’est l’une de nos revendications pour améliorer l’encadrement technique des agriculteurs.

Pouvez-vous nous donner une idée sur la future feuille de route, en cours d’élaboration ?
Rien ne filtre pour l’instant, mais selon toute vraisemblance, les cibles prioritaires de la prochaine feuille seront le soutien à l’agriculture solidaire et la mise à niveau de l’aval commercial et industriel. C’est somme toute évident, comme ce fut le cas en 2008, car à l’époque la faiblesse de la production et des rendements était la problématique numéro un. Aujourd’hui, c’est l’aval dont les carences impactent en premier lieu les petits agriculteurs, sachant que les grands ont les moyens d’exporter.