Au Royaume
Labyrinthe légal
Plus ou moins 30 ans pour liquider une entreprise publique !
Situation paradoxale que celle de l’Etat marocain qui a depuis trois ans mis le paquet pour rendre plus souples et plus efficaces ses textes légaux sur le traitement des difficultés d’entreprises alors qu’en même temps l’Etat actionnaire, lui, a toutes les difficultés du monde à liquider ses propres entreprises.
Cinq entreprises étatiques pour lesquelles la décision de liquidation a été prise et actée attendent depuis 1992. A l’origine de ce retard monumental, des raisons qui, paradoxalement là aussi, relèvent de l’Etat lui-même en qualité de législateur et de gestionnaire de l’administration publique.
Les lois et des procédures sont tellement compliquées et complexes que la liquidation d’une entreprise publique ressemble à un véritable serpent de mer. Une entreprise publique étant, entre autres, un denier et un patrimoine publics, la céder en totalité ou revendre en morceaux ses actifs est assujetti à un corpus de textes et requiert des tonnes d’autorisations. D’un autre côté, les entreprises publiques étant le plus souvent créées par voie légale ou réglementaire, quand bien même ses actifs physiques pourraient être vendus, sa liquidation requiert aussi sa radiation des registres de commerce en tant que personnes morales. Et cela, évidemment, ne peut se faire que par un autre texte de la même nature en vertu du principe du parallélisme des formes. Si l’entreprise a été créée il y a 30 ans par une loi, un décret ou un arrêté, sa disparition ne pourra être actée que par une loi, un décret ou un arrêté. Or, connaissant les délais de législation au Maroc, surtout quand il s’agit de dossiers urgents, ces textes de liquidation ne font certainement pas partie des priorités.
L’autre difficulté, et non des moindres, réside dans la multitude d’intervenants dans les activités des entreprises publiques, que ce soit en termes de gouvernance, de tutelle et parfois même de propriété. Si l’entreprise compte parmi ses actifs, par exemple, des baux de terrains domaniaux ou de propriétés relevant d’autres administrations, sa liquidation devient un véritable casse-tête. Il en est de même pour des entreprises publiques qui ont la forme de sociétés anonymes et qui, par conséquent, doivent se soumettre à des décisions de leur conseil d’administration. Il suffit que les administrations qui siègent au conseil aient disparu ou changé entre-temps pour que la procédure devienne quasiment impossible.
La liquidation des entreprises publique est, en fait, une reproduction en miniature de la complexité de ce labyrinthe qu’est l’Etat lui-même…