Au Royaume
La religion en otage
Comment a-t-on pu nommer, à la tête d’un Conseil local des ouléma, un imam qui répand des messages de haine et d’intolérance ?
Après Ahmed Raïssouni qui s’en est pris, il y a quelques semaines, aux festivals, à la danse et à la musique, voilà qu’un imam, président d’un Conseil local des ouléma, qui plus est,
se répand, lors du prêche du vendredi, en invectives chargées d’intolérance et cela en direct à la télévision (cf page 6).
Même en supposant que l’imam en question se soit laissé emporter par la ferveur de son discours, l’acte demeure suffisamment grave. Mais quand on sait que cet imam lisait un texte préparé, au contenu réfléchi, il y a de quoi se poser des questions, beaucoup de questions.
1/ Sachant que l’imam en question a été nommé en tant que président de Conseil local, il y a à peine deux mois, dans le cadre d’une opération de restructuration du champ religieux, quel crédit accorder à la réussite de cette volonté de changement? Comment se fait-il que l’imam en question ait été chargé d’une telle responsabilité ?
2/ Ce dérapage volontaire a eu lieu le vendredi 25 juin. A l’heure où nous mettions sous presse, le Conseil supérieur des ouléma, ceux-là mêmes que l’on a choisis pour leur capacité à allier érudition religieuse et ouverture sur la modernité, n’avait toujours par réagi. Que signifie ce mutisme ? Est-ce un réflexe corporatiste ou une approbation tacite ?
3/ Si cet imam, représentant d’une institution étatique, se permet de tels écarts, au sein de la mosquée Hassan II et en direct à la télévision, que dire de ceux qui officient dans les petites mosquées et qui terminent systématiquement leurs discours par un appel à l’exclusion des mécréants, des chrétiens et des juifs ? Qui sévit contre ces appels à la haine ?
Moralité : si la restructuration du champ religieux, entamée il y a deux mois, affiche des objectifs nobles, elle n’en restera pas moins un cautère sur une jambe de bois si le principal élément de la réforme ne suit pas: celui de l’éducation, de la formation des théologiens. C’est bien d’avoir trente-cinq femmes au sein des Conseils locaux et même une femme au sein du Conseil supérieur, c’est bien d’avoir seize délégations régionales qui quadrillent le pays, mais quid de ce que l’on enseigne à ces imams ? Quelle lecture de l’islam ?
Dernière chose. Pour clôturer son prêche en beauté, monsieur le conseiller local, a prié pour «la victoire des moujahidines musulmans où qu’ils soient de par le monde», là où ses confrères se contentent – et c’est déjà assez pernicieux- de prier pour la victoire des musulmans, tout court.
Est-il besoin de faire un dessin ?
