Au Royaume
La nécessaire consolidation
La nouvelle Moudawana n’aura d’impact que si tous les citoyens en
connaissent le contenu et que des juges spécialisés sont formés.
Lenouveau code de la famille a délivré la société marocaine d’un faux problème religieux et d’un vrai problème sociétal. Si beaucoup le jugent audacieux, il en est aussi qui le trouvent assez éloigné de la modernité à laquelle aspire une frange de la population. Mais, tous s’accordent à dire qu’il a mis en phase les normes devant régir la cellule familiale avec la réalité du Maroc d’aujourd’hui. On ne peut que s’en réjouir…en regrettant le temps perdu. Car cette réalité, ces femmes jetées à la rue après une vie de sacrifice, ces enfants victimes d’un incident de parcours, tout cela ne date pas d’aujourd’hui.
Ne gâchons pas notre plaisir pour autant, il s’agit là d’une véritable avancée pour le pays. Un pas de géant qu’il faudra consolider.
Cette consolidation repose sur deux actions essentielles : la prévention et le traitement.
Prévenir implique que tous les citoyens soient informés de manière détaillée du contenu de ce code et des interprétations qui peuvent en découler. En ce sens, le recours massif à des émissions télévisées (en dialectal SVP) est une nécessité absolue et l’Etat ne doit pas lésiner sur les moyens à mettre en oeuvre. Dans le même ordre d’idées, une moudawana en darija, dépouillée de ces termes techniques qu’affectionnent tant les experts, serait la bienvenue pour que femmes et hommes connaissent leurs obligations et leurs droits.
Quant au curatif, il relève essentiellement de la justice. Dans un récent rapport sur le système judiciaire de notre pays, la Banque Mondiale a mis en lumière «l’incompétence» du corps de la magistrature en matière d’interprétation des textes.
Quand il s’agit d’affaires commerciales et pénales, on peut à la limite estimer qu’un juge s’est trompé dans sa lecture de la loi. Que se passera-t-il si l’on ajoute à cette faiblesse sa condition d’homme, dont la pensée a été usinée dans le moule des us marocaines, et qui sera appelé à trancher selon une loi qui rétablit la femme dans ses droits ?
Là est le risque. Tout le bénéfice du nouveau code pourrait s’en trouver anéanti. De la même façon que le Maroc s’est doté d’un code de la famille, il doit former des juges de la famille qui soient compétents, intègres et ouverts.
Faute de quoi, on sera un peu à l’image de celui qui avait inventé une lampe de poche fonctionnant à l’énergie solaire. Elle avait un seul défaut : elle ne fonctionnait qu’en plein soleil !
