Au Royaume
La marge de la marge de la marge
Comment expliquer que 20 centimes de plus en frais de transport se traduisent par 3 ou 4 DH de coût supplémentaire pour le consommateur. Il y a surprofit. Si les prix sont libres, la régulation, elle, est nécessaire pour le bien de la collectivité.
A l’heure où l’Etat vient de lever un emprunt international de 1 milliard d’euros qui servira, entre autres effets, à soulager quelque peu le lourd déficit du compte courant de la balance des paiements du Royaume (voir page 14), ce répit risque d’être de courte durée au vu de la hausse significative du cours des matières premières et intrants qu’importe le pays pour ses besoins. Le problème n’est cependant pas seulement là. Il est dans l’envolée des prix à la consommation que la conjoncture internationale nous impose.
Un problème aggravé par la situation sur le plan intérieur. Schématiquement, le coût du transport est multiplié par deux parce que les petits camions doivent aujourd’hui transporter la moitié de ce qu’ils faisaient avant le 1er octobre, date d’entrée en vigueur du nouveau code de la route. En chiffres, cela se traduit par des hausses de 30 ou 40 centimes par kilogramme transporté. Sur le terrain, on retrouve une hausse de 3 à 4 DH. Comment on passe de dizaines de centimes à des dirhams ? L’explication donnée est que le transporteur, malgré la hausse de ses prix, ne retrouve pas sa marge entière, vu que ses charges fixes n’ont pas baissé, de même que l’acheteur de la marchandise, qui reçoit moins de quantités et en écoule moins, répercute plus que le surplus réel du transport. On pense en maintien de la recette journalière et non pas en marge unitaire.
Cela justifie-t-il pour autant que des carottes qui coûtaient 6 DH passent à 12, que des tomates et des poivrons grimpent à 10 ? Non. Même en incluant la marge de la marge de la marge, atteindre ce niveau de prix signifie qu’intermédiaires et acheteurs ont réalisé du surprofit en profitant de l’opportunité de la hausse du coût du transport.
Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Il suffit que la pluie tombe, qu’une semaine de forte chaleur survienne pour que l’on se retrouve avec des variations astronomiques. Au cours des trois dernières années c’est devenu une habitude à laquelle les citoyens se sont résignés.
L’Etat doit faire cesser ces pratiques. Si les prix sont libres, la régulation, elle, est nécessaire pour le bien de la collectivité. Car comment expliquer que le Maroc soit autosuffisant en fruits et légumes et se permet même d’en exporter une bonne part, que le prix de l’eau, de l’électricité ou des engrais n’ait pas varié et que l’on se retrouve avec un panier dont le coût double ?