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Au Royaume

La langue de bois et la main de Dieu

On ne voit pas ce que Dieu vient faire dans le foot, mais il est souvent sollicité : «Avec l’aide de Dieu, nous ferons un bon résultat contre le Wydad». Pourquoi Dieu se rallierait-il à  un camp plutôt qu’à  un autre ?

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«Le football marocain est sur la bonne voie», affirme Joseph Blatter, lors de l’ouverture du congrès de la FIFA, dimanche 11 septembre, à Marrakech. On y lirait une appréciation positive si l’on ignorait que, dans la langue «footique», l’expression «mauvaise voie» est proscrite. Du coup, «bonne voie» se vide de son sens convenu. Elle se présente alors comme une formule toute faite dénuée de substance. La langue du football en regorge. Sous tous les climats, elle est truffée de stéréotypes, de lieux communs et de poncifs.
Au Maroc, le moi étant haïssable, on adopte une attitude césarienne : «Rokbi n’est pas mort. Bientôt il reviendra sur les terrains». Et sur les terrains, la règle est de ne jamais s’avouer vaincu : «Nous sommes menés par 2 à 0 à la mi-temps. Mais nous égaliserons incha’Allah, puis nous remporterons la victoire incha’Allah». Incha’Allah, la formule est récurrente dans les déclarations des footeux marocains. On ne voit pas ce que Dieu vient faire dans ce jeu de vilains, mais il est souvent sollicité : «Avec l’aide de Dieu, nous ferons un bon résultat contre le Wydad». Pourquoi Dieu se rallierait-il à un camp plutôt qu’à un autre ?
Pour autant l’adversaire n’est jamais sous-estimé, même s’il se morfond dans les profondeurs du classement, manière de justifier une prestation piteuse : «Nous sommes satisfaits d’avoir gagné contre le KACM qui est, malgré son classement, une grande équipe». Quand ça va mal, on émet ce vœu pieux : «On va continuer à travailler», ou on se trouve un bouc émissaire en la personne de l’arbitre, de la fédération, ou de l’état de la pelouse qui, bizarrement – et jusqu’à aujourd’hui -, n’affecte pas notre adversaire. Lorsqu’un bon résultat est obtenu sans la manière, on ne «veut retenir que la victoire». De toute façon, «le football reste un jeu». Un jeu où l’argent coule à flots. Mais cet aspect prosaïque n’est jamais évoqué. Sur le gazon, germent la langue d’ébène et l’omerta.
Sur le gazon seulement ? Une grande partie du Maroc est à l’image de son football. En politique et en affaires, c’est la même chose. Mais nous changerons… «incha’Allah»