Au Royaume
La darija, mal aimée ?
Une vidéo et quelques mots en darija attribués à des manuels scolaires marocains, le tout relayé largement sur les réseaux sociaux. Il n’en fallait pas moins pour émouvoir la Toile qui a fait l’écho d’une vague d’indignations à grande échelle.

Les commentaires très virulents avec comme message de fond la dégradation de l’enseignement public au Maroc.
Emotion à part, quels enseignements peut-on tirer de ce mouvement de révolte ?
D’abord une précision. L’information propagée est partiellement fausse. Le ministère de l’éducation nationale a réagi en assumant l’un des visuels citant des douceurs marocaines, tout en réfutant les autres parmi lesquelles une comptine populaire dont l’origine n’a pas pu être identifiée ainsi qu’un autre texte probablement tiré d’un manuel scolaire algérien.
Le fait aussi que les trois pages puisées dans divers supports pas tous marocains aient été sciemment rassemblées et partagées simultanément ne peut avoir qu’un objectif hostile. Surtout si l’on y ajoute la diffusion à grande échelle d’une vieille vidéo réalisée par une télévision arabe en 2016, titrant sur des changements opérés dans les livres d’instruction islamique au Maroc, dans lesquels des passages jugés violents ont été en effet supprimés.
Simple recherche de buzz ou diffusion massive orientée, on ne le saura probablement jamais. Mais si la première présentation avait été neutre et reflétait la stricte vérité, cette levée de boucliers n’aurait pas eu lieu.
Le deuxième enseignement est relatif à la place de la darija. Le Marocain n’est pas contre la darija en tant que langue qui est sienne, il est plutôt outré par la détérioration de la qualité de l’enseignement public. Le dernier exemple où il est question de darija lui a donné le sentiment qu’encore une fois ce secteur est piétiné. Qu’il se dégrade tellement que les responsables ne font plus attention à la langue utilisée. Que ces derniers se permettent de mélanger arabe classique et darija au grand mépris du rigorisme dû à une langue quelle qu’elle soit. Qu’ils manquent de respect aux élèves à et leurs parents.
Ce n’est donc pas la darija en tant que langue maternelle qui a provoqué toute cette émotion, mais la déchéance maintes fois décriée de l’enseignement public. Le mépris de la darija, comme ont pu le penser certains, n’a pas lieu, les messages d’indignation relayés dans les réseaux sociaux étant eux-mêmes majoritairement écrits en darija et non en arabe classique. C’est plutôt ce sentiment d’aggravation de la dégradation de l’enseignement qui est en ligne de mire et qui a engendré une forme de révolte. Cette dernière n’aurait peut-être pas eu lieu si des signes d’amélioration de la qualité de l’enseignement étaient palpables ces dernières années. Et si ce service public, tout autant que la santé et l’emploi, était pris au sérieux par les responsables qui en ont la charge.
