Au Royaume
La culture des buffets
Après coup de Mr. Et-Tayeb Houdaifa
Dans le milieu culturel, Abdou est surnommé le «ventre de Casa». Cocktail, à l’occasion d’un vernissage, déjeuner de présentation d’un livre, soirée de lancement d’un film, le bonhomme est de toutes les fêtes, dès l’instant qu’elles sont gratuites, pourvu qu’elles soient généreuses. Il ne se donne même pas la peine de jeter un regard sur les toiles exposées, d’écouter les laïus des auteurs ou d’assister à la projection du film. Il trouve toujours le moyen de débouler comme une fleur juste au moment des réjouissances. Après avoir mangé comme quatre et bu autant, il met prestement les voiles vers d’autres destinations festives. Hamid est le prototype d’une espèce abondante, peu curieuse de la chose culturelle, mais véritablement passionnée pour la vie aux frais de la princesse, qu’elle offre par moments. Galeristes prospères, éditeurs ayant pignon sur la place, producteurs de spectacles en vue mettent les petits plats dans les grands, au profit des médias et des critiques, avec le sentiment que ceux-ci ne manqueraient pas de faire l’éloge de leur exposition, leur nouvelle parution ou leur spectacle. Mais quand ils convient, par exemple, une cinquantaine de personnes à leur table, c’est le double de ce nombre qui s’y bouscule. Au grand malheur des Amphitryon qui, parfois, se retrouvent envahis par des pique-assiettes et lâchés par les vrais invités. Il faut croire que les concernés par la culture fuient de plus en plus ces «mondanités» assaillies par des intrus jouant des coudes à proximité des buffets. Le «ventre de Casa» a de belles ripailles devant lui.