Au Royaume
L’ urgent et l’important
Une pensée religieuse en phase avec les besoins de la société
marocaine, et donc réformiste, n’existe toujours pas. Le problème
reste donc entier.
Depuis la fin des années 1970, des milliers de diplômés en études islamiques ont été formés par les universités et écoles du pays. Par commodité, parce que les autres filières étaient encombrées, ou par calcul, pour contrer l’emprise des idées de la gauche, l’Etat a mis en place un système d’enseignement religieux pléthorique, en totale inadéquation avec les besoins du pays.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mille licenciés par an, issus des filières d’études islamiques existant au sein des facultés des lettres du pays. Sans compter les diplômés d’Al Qarawiyine et ceux de Dar Al Hadith Al Hassania. Quel débouché pour eux ? L’enseignement ? C’est démesuré par rapport aux 1 036 collèges, 575 lycées et 14 universités du pays.
Autre aberration, 400 écoles d’enseignement originel accueillent cette année 16 500 élèves destinés essentiellement à être imams, khatibs ou muezzins. C’est encore démesuré par rapport aux 33 000 mosquées que compte le pays.
Cette situation crée un double problème.
Primo, l’arrivée sur le marché d’un certain nombre de diplômés qui, de toute évidence, ne trouveront pas de travail. Chômage, frustration et rancœur ne peuvent qu’être au rendez-vous.
Secundo, le contenu de l’enseignement théologique dispensé n’a pas évolué et tourne toujours autour de la défense de la citadelle islam qui serait en proie aux «attaques des mécréants». On ne saurait mieux fabriquer des extrémistes. Certes, tous ne sont pas dangereux ; leur message, lui, l’est.
Le département des Habous et des Affaires islamiques vient de lancer une réforme visant essentiellement à accroître le contrôle de l’Etat sur les mosquées. On a certes paré au plus urgent, mais c’est loin d’être suffisant.
D’abord parce que les filières d’enseignement universitaire ont été toutes maintenues et ne feront qu’accroître un problème social.
Ensuite, et c’est le plus important, parce que l’Etat n’a toujours pas défini ce qu’il entendait faire de l’enseignement de la religion. A qui le contenu est-il destiné et dans quel but ? Quel message veut-on transmettre ? Une pensée religieuse en phase avec les besoins de la société marocaine, et donc nécessairement réformiste, n’existe pas. Le problème reste donc entier.