Au Royaume
Jean-Marie Schmitz : 30 ans dans le ciment et des solutions en béton
Diplômé d’études supérieures en droit privé et en sciences politiques, il commence sa carrière au patronat français.
Lafarge le débauche en 1979 pour un poste nouvellement créé. Il deviendra plus tard DRH puis l’homme des missions difficiles.
Après plusieurs restructurations réussies, il arrive au Maroc, en 1998, pour faire fusionner quatre entreprises en une.

Destin peu commun que celui de Jean-Marie Schmitz, administrateur directeur général de Lafarge Maroc. Tout de suite après ses études, il sera en contact avec les entrepreneurs les plus brillants de France. En effet, il a tout de suite commencé sa carrière professionnelle comme collaborateur puis chef de cabinet de François Ceyrac, alors président du Conseil national du patronat français (CNPF), l’ancêtre du Medef. Mais tout va se jouer quelques années plus tard, lorsque Olivier Lecerf, alors président de Lafarge, l’invite à déjeuner pour le débaucher. D’abord, il refuse de rejoindre le cimentier par fidélité au patron des patrons français, mais c’était sans compter avec la détermination d’Olivier Lecerf qui en parla à son mentor pour le persuader d’accepter l’offre. Et c’est ainsi que commença la carrière exceptionnelle qui l’attendait au sein de Lafarge qu’il ne quitta plus jusqu’à ce jour.
Jean-Marie Schmitz est né à Paris en 1943 dans une famille alsacienne. Il est l’aîné de deux autres enfants. Il se trouve que son père travaillait à Lafarge France avant que le cimentier ne commence une expansion qui lui vaut aujourd’hui d’être présent dans 80 pays. Après un Bac obtenu en 1959, il s’inscrit à la Faculté de droit de Paris où il obtient un diplôme d’études supérieures (DES) en droit privé puis un autre en sciences politiques. En 1967, il termine son cursus universitaire après avoir été tenté un moment par une agrégation, ce qui en aurait fait certainement un brillant enseignant chercheur, mais l’aurait privé du fabuleux parcours du dirigeant d’entreprise hors pair qu’il est.
Il a connu toutes les étapes de la transformation de Lafarge
C’est donc en 1969 qu’il est recruté au CNPF où il est affecté au service des études économiques. Trois ans après, il est remarqué par François Ceyrac qui en fait son directeur de cabinet pendant six autres années.
Son long bail avec le cimentier commence en 1979. Il est tout de suite nommé directeur des relations extérieures, un poste qui venait d’être créé. Très rapidement, il prend la tête de la direction de la communication du groupe où il ne restera pas longtemps. En 1982, il prend en charge la direction commerciale de l’usine de Lafarge Plâtres. Et c’est là que va se produire un événement majeur dans l’évolution du métier du groupe avec l’apparition de la plaque de plâtre alors que, jusque-là, le cœur de production était le plâtre en poudre et en carreau. Il aura la brillante idée de faire fusionner toute la force commerciale qui était organisée par des équipes spécialisées, en une seule unité homogène et souple pouvant placer tous les produits du groupe, y compris les toutes nouvelles plaques en plâtre. Cette réorganisation l’obligera à prendre des décisions douloureuses : se séparer de quelques collaborateurs sans toutefois les priver de leurs droits. Certains ont bénéficié d’un reclassement et ceux qui avaient une proposition de départ volontaire ont été accompagnés.
Sa mission au Maroc est tellement passionnante qu’il n’a pas vu le temps passer
Après cette expérience dans l’opérationnel, Jean-Marie Schmitz sera nommé DRH du groupe entre novembre 1985 et avril 1988. Il se rappelle que Lafarge comptait à l’époque déjà quelque 18 000 personnes et que c’était à lui qu’il revenait de gérer les 120 postes clés du groupe, le recrutement et la tâche de dénicher les profils à haut potentiel. Ce fut un moment clé parce qu’il coïncidait avec le début du développement du cimentier en France puis à l’international, à commencer par les Etats-Unis, le Canada et le Brésil. Une dynamique qui s’accélérera entre 1989 et 1998 en Europe (Espagne, Autriche, Allemagne avec la chute du mur…)
Revenons en 1988, année durant laquelle il devient DGA Hommes et communication. Dès lors, il accompagnera Lafarge dans toute sa transformation en un des plus grands groupes du monde aux côtés de Bertrand Collomb, artisan de cette grande mutation. Il est l’homme des situations difficiles et c’est pour cela qu’il est appelé à la rescousse lors de l’absorption par Lafarge de Redland, une entreprise de 8 000 personnes spécialisée dans le béton, la tuile et la toiture. Il ira alors en Angleterre pour rassurer le personnel mais aussi pour restructurer. Et c’est au sortir de cette opération menée avec brio que Bertrand Collomb lui propose trois postes de direction en Espagne, en Turquie et au Maroc. Quand il rejoint le Maroc à la fin de 1998, il ne mesurait pas encore la difficulté de la mission car il fallait créer une seule entreprise à partir de la fusion de plusieurs sociétés : Cinouca, à Bouskoura, Cadem à Meknès, Cementos Marroquies de Tétouan et Cementos de Tanger.
Il ne savait pas qu’il allait rester aussi longtemps dans le pays. Mais la mission était si exaltante, dit-il, qu’il n’a pas vu le temps passer. A son arrivée, le chiffre d’affaires de Lafarge Maroc était légèrement inférieur à 2 milliards de DH et la production tournait autour de 3 millions de tonnes. Aujourd’hui, la production a doublé et le chiffre d’affaires s’élève à plus de 4,5 milliards de DH. Bien sûr, il a fallu là aussi prendre des décisions douloureuses comme la fermeture de l’usine de Tétouan. Comme il l’a fait ailleurs, il y a eu des reclassements et des aides au départ. Sur ce dossier des restructurations qui créent habituellement des vagues un peu partout Jean-Marie Schmitz a une position bien tranchée. Il ne comprend pas que les gens soient scandalisés quand ils voient des entreprises prospères se mettre à niveau ou se restructurer. «Un chef d’entreprise doit être en mesure d’anticiper pour garantir l’équilibre de son entreprise et de sa pérennité. Or, s’il attend la dernière minute pour le faire c’est qu’il n’a rien vu venir. Et de fait, toutes les décisions qu’il pourra prendre relèveront de l’urgence et non de la stratégie», explique-t-il.
