Au Royaume
J’ai rien vu !
Avec le manque à gagner généré par la contrebande on pourrait, au choix, réaliser l’autoroute Marrakech-Agadir, construire neuf CHU, ou encore 250 hôpitaux
de province.
Que fait un Marocain moyen, normalement constitué, quand il va passer quelques jours au Nord? A moins d’être extrêmement pressé, il fera à coup sûr un détour par l’un des souks de produits de contrebande pour en ramener du fromage, des biscuits, des serviettes et autres savons et shampooings . Depuis le temps que la contrebande sévit, on a un peu l’impression qu’elle fait partie de la nature du pays. A tel point qu’il est aujourd’hui de coutume, lorsque l’on part au Chamal, de ramener un petit cadeau pour la famille.
Rien de bien méchant, dira-t-on, et puis la contrebande permet de faire vivre des familles qui n’ont que cette source de revenus.
Mais voyons l’autre face de la médaille. En 2001, selon une estimation des services de la Douane, le chiffre d’affaires généré par les activités de contrebande représentait 12 milliards de DH. Aujourd’hui, la CGEM l’estime à 15 milliards de DH. Chaque dirham empoché par la vente d’un produit de contrebande génère un manque à gagner pour l’Etat de 50 centimes. Au total, cela fait annuellement 7,5 milliards de DH, soit plus que le montant nécessaire pour réaliser l’autoroute Marrakech-Agadir, ou encore de quoi construire, au choix, neuf CHU ou 250 hôpitaux de province.
Et encore, s’il ne s’agissait que d’argent… Chaque emploi dans la contrebande cause la perte ou la non-création de 10 emplois légaux.
Aujourd’hui, 45 000 familles vivent de ce fléau et, à en croire les inquiétudes des milieux d’affaires, ce chiffre est appelé à augmenter de manière exponentielle. Combien d’entreprises ont fait faillite ou se sont reconverties en simples sociétés commerciales à cause de la contrebande ?
L’Etat a pendant longtemps fermé les yeux et continue de le faire, malgré quelques actions trop sporadiques pour avoir un impact quelconque. Aujourd’hui, un jeune qui ne trouve pas de travail se laisse emporter par la solution de facilité, acheter et revendre des produits de contrebande. Il ne crée par de valeur ajoutée et, même, il en détruit en menaçant les activités de production nationale. Il vit, et sa famille avec, sans couverture sociale, sans assurance sur l’avenir et sous la menace permanente de tomber sous le coup d’une loi que l’Etat a mise en place sans l’appliquer.
L’équation n’est pas facile à résoudre et l’on ne pourra pas combattre la contrebande du jour au lendemain, mais il faut commencer. Il faut que le fléau recule au lieu d’avancer. Il faut que le Maroc arrête de détruire de la valeur