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Au Royaume

Inégaux devant la douleur

Non seulement le nombre
de spécialistes est insuffisant, mais encore 66% d’entre eux sont concentrés sur l’axe Rabat-Fès.

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Dans le Maroc de 2003, où l’on parle investissements colossaux, projets structurants, démocratie et laïcité et même administration en ligne, il est des citoyens qui ont un souci plus terre-à-terre : ils sont obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour une banale consultation chez un spécialiste. Difficile à imaginer pour les habitants du centre du pays ! Comment en effet concevoir que dans une ville de 63 000 habitants, il n’y ait qu’un seul dentiste ou un seul chirurgien? Comment croire qu’il n’y ait pas un seul rhumatologue dans la région de la Chaouia qui compte 5,5% de la population du Maroc ?
On pourrait multiplier les exemples à l’infini, mais un chiffre suffira, qui en dit long sur la carence du pays en matière de médecine spécialisée : nous disposons d’un spécialiste pour 5 380 habitants. Nos voisins algériens en ont cinq fois plus…
A priori la solution est l’augmentation du nombre de médecins. Mais il ne s’agit pas seulement de cela, le problème est bien plus complexe. D’abord les médecins ne veulent pas s’installer dans les régions décentrées pour la simple raison que le pouvoir d’achat des citoyens y est trop faible pour leur permettre d’exercer leur spécialité ou, du moins, d’en vivre décemment. Ensuite du fait que les médecins, quand bien même ils auraient la volonté de se sacrifier, ne trouvent pas dans ces régions les infrastructures médicales d’accompagnement nécessaires à une pratique efficace de leur spécialité (centres d’imagerie médicale, laboratoires, etc.).
Face à cela, ce ne sont pas les solutions qui font défaut, mais les décisions. La première a pour nom AMO (assurance maladie obligatoire). Le code existe mais les textes d’application sont encore au stade de l’élaboration. Or, une couverture médicale, même réservée aux salariés, permettrait de lever l’obstacle du coût de la consultation et de créer la clientèle potentielle dans ces régions où les médecins ne veulent pas entendre parler de pratiquer. On résoudrait ainsi le gros problème de la répartition géographique des spécialistes.
La seconde décision à prendre relève de l’Etat. C’est le choix de l’investissement à faire. Est-il nécessaire de dépenser de l’argent pour créer un centre de traitement de la douleur à Casablanca alors que les besoins sont immenses ailleurs ? Certes on a besoin de l’un et de l’autre, mais il y a des priorités à gérer. La douleur de ces Marocains de là-bas est certainement plus vive que celle de ceux qui ont la possibilité d’intercaler une visite chez le spécialiste entre deux rendez-vous professionnels