Au Royaume
Incitation à l’immobilisme
C’est une tradition connue au Maroc. A l’approche de chaque rendez-vous électoral, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre l’activisme sur le terrain d’un élu local ou d’un député pour tenter de redorer le blason auprès des électeurs.

Ces voix ne sont pas seulement que des expressions de simples citoyens mais proviennent parfois de ceux qui sont censés être les promoteurs de l’action sur le terrain, en l’occurrence les partis eux-mêmes.
Récemment, dans l’exposé du rapport d’une réunion de l’une de ses principales instances, un grand parti, et non des moindres, s’est fondu d’un long passage où il appelle en substance le gouvernement à faire preuve de retenue et de fair-play. En clair, le parti met en garde explicitement le gouvernement, et donc les ministres qui le composent, contre «l’utilisation des moyens et des ressources de l’Etat et de ses différents fonds de développement à des fins électoralistes» à la veille des élections.
Or, ces fonctionnaires, ces hauts responsables publics, y compris les ministres, que sont-ils censés faire à longueur de journée si ce n’est d’agir et de s’activer sur le terrain à travers, justement, les moyens et les ressources de l’Etat dont font partie les divers fonds dédiés ? N’est-ce pas là l’essence même de leurs missions ? Donc, si l’on pousse cette logique jusqu’au bout, un ministre, un secrétaire général, un directeur central, régional ou tout autre haut fonctionnaire devrait pour les besoins, par exemple, de ses déplacements et de ses actions sur le terrain, utiliser son propre véhicule personnel au risque d’être soupçonné de vouloir exploiter les moyens de l’Etat dans des opérations qui pourraient présenter un profit électoral…!
Et d’après les tenants de cette logique, le gouvernement et ses ministres devraient arrêter en cette année 2021, élections obligent, de servir les indemnités exceptionnelles Covid-19, les aides mensuelles servies aux veuves ou encore les aides financières du programme Tayssir dont bénéficient les millions de familles en milieu rural pour combattre l’abandon scolaire…
On devrait, selon la même logique, arrêter également de financer les programmes comme celui des routes rurales, celui de l’emploi des jeunes…En résumé, ne plus rien faire, surtout dans le social, car une grande partie des programmes sociaux est adossée à des fonds de développement sous prétexte d’approche des élections.
Voilà donc une incitation ouverte et publique à l’immobilisme de l’action publique, qu’elle soit d’ordre économique, social ou autre et, le pire, c’est qu’elle provient de la part d’un parti politique. Plus on croit savoir moins on sait…
