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Au Royaume

Immuniser l’école

Les jupes d’Inezgane, les bikinis d’Anza et le lynchage de l’homosexuel de Fès. Une série de trois incidents qui ont commencé par allumer les réseaux marocains ces derniers jours avant de devenir de véritables affaires nationales.

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Mis à jour le

Saad Benmansour 2015 07 06

La preuve, dans le cas d’Inezgane comme de Fès, la bataille est sortie du domaine virtuel de la toile pour finir dans la rue mêlant tour à tour les partis politiques, la société civile et même le gouvernement et l’administration à leur plus haut niveau. Tolérance contre radicalisme, modernisme contre conservatisme, libertés individuelles contre les codes sociétaux. Et bien entendu dès qu’il s’agit de sujets éminemment sociétaux de ce type, les débats deviennent des combats, surtout quand la classe politique s’en mêle.

Bourde ou non du parquet  dans le cas d’Inezgane ? Pour ou contre le port de jupes ? Pour ou contre les libertés individuelles, y compris en matière sexuelle ? Ce sont les questions qui animent aujourd’hui la scène.  

Cependant, au-delà de ce dialogue qui doit en effet être ouvert et de manière sereine, ces événements ont laissé paraître des facettes inquiétantes de notre société. Une société qui accepte naturellement que des individus puissent se faire justice eux-mêmes, que la vox populi soit au-dessus des lois ou encore une société qui peut faire preuve d’une violence inouïe.

Dans les quelques minutes disponibles sur internet du lynchage en pleine voie publique à Fès d’un présumé homosexuel, on peut voir une foule de jeunes et de moins jeunes littéralement déchaînée. La violence des actes filmés est de loin disproportionnée par rapport aux faits réels. Comme si cette foule ne faisait en fait qu’extérioriser de manière collective une énergie négative accumulée à la première occasion qui s’est présentée. C’est manifestement bien plus grave et plus profond que la fameuse théorie des mouvements de foules ou des dynamiques de groupes.

Pourquoi tant de violence et de haine pour des faits mineurs ? Il est inquiétant de voir autant de violence refoulée dans notre société et de savoir qu’elle peut exploser à tout moment…Quelle est son ampleur ? Et surtout, quelles en sont les causes? C’est à cette dernière question qu’il faut répondre en urgence. Et encore une fois, on finira par converger vers un point focal, fondamental : l’éducation et l’école. C’est là le passage obligé des générations et si l’on doit immuniser la société c’est bien à l’école qu’on doit le faire et pas ailleurs.

La semaine dernière, après un brillant exposé sur la transformation de l’économie sur les dix dernières années, les facteurs clés du succès et les défis des années à venir, le ministre de l’économie et des finances a conclu de manière inattendue en affirmant que tout ce qu’il venait de dire était nul et non avenu et n’avait aucune valeur si le Maroc ne s’attaque pas sérieusement à la réforme de l’école. Le ministre a tout dit…