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Immobilier : Se financer à crédit ou par Mourabaha ?

Le constat persiste, le financement chez une banque participative est plus cher qu’auprès d’une banque classique. L’un des arguments forts du système participatif est le partage des excédents techniques et financiers entre les assurés.

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Le souci de taille auquel sont confrontés les citoyens, lorsqu’ils prennent la décision d’acquérir un bien immobilier, est le choix de la banque qui offre le taux le plus bas. Un parcours du combattant commence par comparer les propositions des banques, faire intervenir la concurrence, aller jusqu’à jouer la carte de la «menace» de clôturer le compte pour s’orienter vers la banque la moins-disante. Et l’on sait à quel point les banques craignent la perte de parts de marché !
Si la concurrence était déjà rude entre les banques conventionnelles, elle l’est devenue davantage avec l’opérationnalisation des banques participatives. Sans que cela ne soit forcément par conformité à la Charia, les clients procèdent à des comparatifs entre ces deux systèmes de financement, pour en tirer le meilleur moyen de financement. D’ailleurs, si la dénomination «participative» a été donnée à ces banques et non «islamique», c’est justement pour éviter de n’y inclure que les musulmans stricto sensu.
Il faut savoir que les conditions de financement ont changé depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Les banques les ont assez serrées en raison de l’augmentation des impayés due au durcissement de la situation économique et financière des ménages pendant la pandémie. En somme, l’encours des créances en souffrance a atteint à fin 2022 plus de 89 MMDH, en hausse de 5% sur une année. Plus significatif, le taux des créances en souffrance global s’établit à 8,4%. Si l’on ne prend que les ménages, leur sinistralité a pointé à 10% sur toute l’année dernière. Cela d’un côté. D’un autre, les banques ont opéré des augmentations du taux d’intérêt long, surtout suite aux deux relèvements du taux directeur par Bank Al-Maghrib, en septembre et décembre derniers. Actuellement, les taux de crédit à l’habitation se négocient entre 4,5 et 5,5% HT, après avoir été en moyenne vers les 4,2%. Une première répercussion a été réalisée, en attendant celles qui pourraient suivre.

Un différentiel de 360.000 DH
Maintenant que les taux ont augmenté et donc que le coût du crédit s’est renchéri, à combien s’élèverait le coût de financement global entre une banque conventionnelle et une autre participative ? Prenons le cas d’un client souhaitant acquérir un bien immobilier de 3 MDH, moyennant un apport de 500.000 DH, sur une durée de 20 ans.
La mensualité à payer chez l’une des banques conventionnelles du secteur se monte à 17.500 DH, contre 17.900 DH auprès de la banque participative filiale, soit un coût de financement de près de 4,2MDH pour la première et 4,8 MDH pour la seconde. Ceci correspond à un différentiel de 600.000 MDH. Mais il faut signaler que la nature du financement d’un bien auprès d’une banque participative obéit à deux étapes. La 1ère consiste en l’acquisition du bien par la banque et donc le paiement de tous les frais qui y sont liés, dont l’enregistrement et la conservation foncière, ainsi que le notaire. La seconde, elle, concerne le transfert de propriété de la banque vers son client et inclut ainsi les frais d’hypothèque, de mutation et quelques débours du notaire. Du coup, ce comparatif ne peut être parlant que si l’on rajoute les frais d’acquisition dans le coût de financement de la banque classique, qui s’élèverait à 4,4MDH et réduirait alors le gap à 360.000 DH. Un point est tout de même important à signaler dans le mode de financement des banques participatives. Au début de leur activité, elles demandaient à leurs clients un dépôt de garantie (hamish al jiddiya), une sorte de gage de confiance que le client devra réellement acheter le bien en question et ne le laissera pas entre les mains de la banque. Il était fixé autour de 10% du montant de financement, plus ou moins. Actuellement, ce même hamish al jiddia est déterminé comme étant l’équivalent des frais d’acquisition. Autrement dit, le client paye à l’avance les frais d’enregistrement, de la conservation foncière et du notaire. «En fait, cela ne change rien pour le client. Il s’agit juste d’une écriture comptable au niveau des livres de la banque», explique un ex-directeur d’une banque participative.

Takaful en one shot ?
Un autre point fait la différence entre les deux systèmes bancaires. Il s’agit de l’assurance décès/invalidité. S’il est possible de la payer en one shot, ou de la mensualiser en l’intégrant dans la traite chez les banques classiques, ce n’est pas le cas auprès des banques participatives. «Elle ne peut être payée qu’à fréquence mensuelle. Et pour cause, le mode de fonctionnement de l’assurance Takaful», explique l’un des agents d’une banque participative approché. En fait, à travers le contrat d’assurance, l’assuré souscrit à un fonds qui est composé de l’ensemble des comptes des assurés. Et justement la particularité de cette forme d’assurance réside dans le partage des excédents techniques et financiers entre les assurés à la fin de chaque année. Chose qui n’existe nullement dans le système conventionnel.
Et c’est probablement pour cette raison ou pour d’autres que des clients préfèrent s’adresser aux banques participatives. Leur conviction va vraisemblablement au-delà du coût en soi, puisque les banques participatives restent chères, malgré tous les efforts accomplis. Une chose est sûre : elles sont prêtes à s’aligner sur la concurrence. Parole de client mystère.

Des banques à part entière !
Bien que l’activité bancaire participative n’ait toujours pas pris son envol, en raison de son très jeune âge, les banques continuent de tracer leur parcours. Après pratiquement 5 ans d’activité, 187 agences sont ouvertes à travers tout le pays. Ce qui représente 2,75% des agences bancaires. Ce sont 182.000 comptes qui ont été ouverts, soit même pas 1% du total des comptes créés. Pour sa part, l’activité commerciale reste dominée par le financement mourabaha. Et c’est justement là que le bât blesse. Les responsables de banques n’ont de cesse d’expliquer qu’il s’agit de banques à part entière et non juste de sociétés de financement. Et bien qu’elles utilisent à fond la wakala bil istithmar ou encore les dépôts d’investissement, certaines n’arrivent pas à garder la tête haute, en termes de fonds propres. Toujours est-il, elles continuent de se frayer leur bonhomme de chemin tant bien que mal, devant des banques, de plusieurs décennies, leurs aînées.