Au Royaume
IMMOBILIER : Les programmes de logements conventionnés en quête d’un nouveau souffle
Si le logement à 250 000 DH carbure en termes de nombre de conventions signées par l’Etat et les promoteurs immobiliers avec 1,55 million d’unités à produire depuis 2010, les concrétisations sont loin de tenir le rythme. Seulement 291 330 unités ont été achevées sur la période alors que le besoin recensé est de 500 000 unités. Le gap est plus marqué encore pour le logement à 140 000 DH et l’habitat destiné à la classe moyenne.

Le logement conventionné (qui comprend les programmes réalisés à travers des conventions conclues entre les promoteurs immobiliers privés et l’Etat, soit principalement les logements sociaux à 250 000 DH, ceux à 140 000 DH dits à faible VIT ainsi que le logement subventionné pour la classe moyenne) affiche grise mine sur les dernières années. L’on n’est pas nécessairement amené à croire cela pour le logement social qui a affiché depuis 2010 une cadence de conventionnement soutenue. En effet, depuis sa mise sur les rails et jusqu’à fin 2016 (chiffres les plus récents communiqués officiellement par le ministère de l’habitat), ce sont près d’un millier de conventions qui ont été signées entre l’Etat et les promoteurs immobiliers pour la réalisation de 1,55 million de logements. Le chiffre est considérable, sachant par exemple que le Maroc n’a besoin annuellement que de 130 000 logements pour répondre aux besoins des nouveaux ménages. Sur la seule année 2016, ce sont 88 conventions qui ont été paraphées portant sur la concrétisation de près de 116 000 unités. Mais sur le total conventionné sur les 7 dernières années, ce ne sont qu’un peu moins de 476 000 logements qui ont été effectivement mis en chantier à travers quelque 690 projets. Si l’on s’intéresse au stade encore plus avancé des achèvements, la barre tombe à 291 330 unités qui ont donc effectivement reçu leur certificat de conformité (document remis par les délégations du ministère de l’habitat pour attester la conformité des projets réalisés avec les prestations du cahier des charges exigé dans le cadre du dispositif du logement social).
L’on remarque déjà que les mises en chantier et les achèvements sont très loin de tenir la comparaison avec le volume des conventions. Ainsi, le volume des unités mises en chantier à ce jour ne représente que 31% du total conventionné et cette part chute à moins de 20% lorsqu’on raisonne en termes d’achèvements, ce qui veut dire que si le dispositif du logement social semble avancer à vitesse soutenue sur le papier il en est autrement sur le terrain. Du reste, comment faut-il apprécier le volume de production en lui-même par rapport aux besoins identifiés? Rappelons à ce titre que le département de Nabil Benabdellah a estimé que 500000 unités à 250 000 DH devaient arriver sur le marché pour satisfaire convenablement la demande exprimée entre 2012 et 2016, et ce pour être en mesure de compresser le déficit en logements sur la période pour le faire passer de 840 000 à 400 000 unités. Au lieu de cela, ce ne sont donc qu’un peu plus de 291 300 logements qui ont effectivement été achevés, ce qui veut dire que le dispositif est au final à 40% en dessous de l’objectif qui lui a été tracé. Notons qu’en dépit de ces réalisations en dessous des prévisions, le dispositif donne des signaux de saturation, ainsi que le rapportent les promoteurs immobiliers, qui disent être confrontés de plus en plus à une accumulation des invendus au niveau de leurs programmes sur certaines régions. Cela appelle vraisemblablement à une meilleure répartition géographique de la production sur les années à venir afin de mener ce dispositif à bon port.
S’agissant des autres segments, il apparaît dès le premier coup d’œil qu’ils sont bien en mauvaise posture. Pour le logement à 140 000 DH d’abord, à fin 2016, le ministère recense quelque 40 conventions signées par le secteur privé portant sur la réalisation de 22 452 logements, ce à quoi s’ajoutent 26 conventions conclues avec le secteur public (notamment l’aménageur public Al Omrane) d’une consistance de 13 305 unités. L’un dans l’autre, les deux types de conventions n’ont généré à ce jour qu’un maigre volume de 21 665 unités ayant reçu leur certificat de conformité. Et encore, on parle ici du nombre d’achèvements recensés depuis les débuts du dispositif en 2008. Si l’on s’intéresse spécifiquement aux 5 dernières années, ce ne sont en fait que 17 000 logements qui ont été réalisés sur la période. Or, selon les plans de l’Habitat, ce sont plutôt 9 000 unités qui devaient arriver sur le marché par an entre 2012 et 2016, ce qui revient à dire que plus des deux tiers du volume espéré manquent à l’appel. Ne pas en déduire pour autant que la population cible du logement à 140 000 DH (principalement les habitants de bidonvilles et d’habitats menaçant ruine bénéficiant d’actions de relogement dans le cadre du programme Villes sans bidonvilles) s’est retrouvée sans offre. Les besoins de ces bénéficiaires ont pu en effet être couverts par des produits alternatifs, notamment des lots de recasement.
Le constat n’est pas plus reluisant côté logement pour la classe moyenne. Sa production depuis sa mise en place depuis 2013 est même pour ainsi dire anecdotique par rapport à l’objectif. Ce sont en effet à peine 124 logements de ce type qui ont été achevés à fin 2016, et l’on ne compte que 1 807 unités actuellement en chantier. C’est bien en dessous du besoin annuel sur le segment évalué par le ministère à 20 000 logements. Mais là encore, les programmes privés réalisés hors conventions ont pris le relai pour répondre en partie aux besoins.
Il demeure dans tout cela que tous les programmes de logements conventionnés ont besoin d’un second souffle. Et ce n’est pas un hasard si le désormais ministère de l’aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville a inscrit cela parmi ses priorités pour les 5 prochaines années.
