Au Royaume
Il voulait être tennisman, il sera textilien renommé
En dépit d’un bac avec mention, il laissera tomber les études supérieures après
un BTS… en agriculture.
En 1991, il crée une entreprise chargée de faire le lien entre donneurs d’ordre
étrangers et fournisseurs marocains.
En 1997, il crée ses propres marques de vêtements et accessoires, dont «Marwa».

Tout le monde rêve de faire des affaires. Mais l’on oublie, trop souvent, quele meilleur moyen d’en faire est de ne pas y penser de manière obsessionnelle.Les meilleurs businessmen ne se réveillent pas chaque jour que Dieu fait en furetantfébrilement, à l’affût de bonnes opportunités ou d’éventuelles victimes. Il fautjuste savoir observer et saisir des détails qui ont échappé à la majorité. Churchilldisait : «Ce qu’on appelle la chance est une illusion, il vaut mieux l’appelerle sens du détail».
Karim Tazi utilise rarement les cartes de visite et arbore toujours une tenuedécontractée. Il refuse opiniâtrement le traditionnel costume cravate de l’hommed’affaires classique. Comment diable ce personnage surprenant, qui a tout ducréatif déphasé, s’est-il mué en textilien avisé et redoutable, opérant aussibien dans l’export pour le compte de gros donneurs d’ordre étrangers que surle marché local avec sa marque Marwa désormais bien connue ?
Karim Tazi est né à Meknès en 1966 dans une famille conservatrice mais néanmoinsouverte sur le monde. Un père ingénieur topographe et une mère au foyer. Le papava faire preuve d’une patience à toute épreuve durant la scolarité de Karim.Au début, son parcours est normal. Mais, après un bac avec mention, obtenu à19 ans à la Mission française, il va afficher ce qui peut passer pour de l’excentricité.Il s’entiche de tennis et veut faire un parcours «sport-études». Pour ce faire,il va en France pour s’inscrire dans une école privée. Il va découvrir qu’iln’a pas le profil athlétique nécessaire et on lui conseille de faire autre chose.Il se lance alors dans un BTS en agriculture, dans la ville d’Albi.
Il commence par un bureau de liaison pour mettre en relation sous-traitants locauxet donneurs d’ordre étrangers
Karim Tazi fait donc son deuil d’un brillant parcours universitaire que sa famillea tout fait pour lui garantir. Il rentre au Maroc en 1987. Il a alors 21 ans.Il va s’occuper d’une exploitation agricole que sa famille a acquise dans lesenvirons de la cité ismaélienne. Il ne se passe rien de spécial durant troisannées et c’est à 24 ans qu’il va avoir une idée lumineuse, suite à une observationminutieuse du monde du textile. Il réalise que le monde de la confection quia, certes, appris à bien produire, ne sait pas vendre, n’élargit pas sa clientèleet, parfois, n’arrive pas à écouler correctement sa marchandise. Il constateégalement qu’il y a un problème de recouvrement, et évalue alors le taux de litigeà 40%. C’est ainsi qu’il crée, en 1991, un petit bureau de liaison, l’Agencepour le suivi de la production des industries de l’habillement (Aspih), et semet à prospecter les clients européens. Il explique qu’il n’a eu besoin que d’unfax puisqu’il a commencé à travailler à partir de chez lui. Cette entreprise,qui continue d’ailleurs à fonctionner, réalise un chiffre d’affaires de 200 MDHsur lequel elle est commissionnée. Son business : trouver des clients, négocierles prix, la nature des produits et leurs spécifications et débarrasser fournisseurset producteurs de toutes les tracasseries qu’ils ne savent pas gérer. En d’autrestermes, l’Aspih a pour vocation de négocier des prix pour le compte des donneursd’ordre étrangers et de suivre tout le processus de production, de la réceptiondu cahier des charges et des types techniques jusqu’à l’envoi final des produitsfinis.
Le portefeuille clients s’étoffera progressivement. Puis, dès qu’il se met enrapport avec le donneur d’ordres «La Redoute», le bureau va se concentrer surce gros carnet de commandes européen, tout en restant à l’affût de toutes lesopportunités.
En 1997, alors que le monde de la confection n’attire plus grand monde, il comprendque la valeur ajoutée sera désormais le nerf de la guerre. Il crée Monte Pull,une entreprise de maille, avec l’idée d’en faire une marque. En amont de la production,stylistes et modélistes scrutent le marché et créent des produits selon la demande.Même s’il a eu du mal à convaincre sa famille de le suivre, il réunit un capitalde 2 MDH et emprunte
3 autres millions auprès d’une banque. En deux ans, l’entreprise emploie 400personnes pour un chiffre d’affaires de 50 MDH. Karim Tazi dirigera cette nouvellesociété de 1997 à 2002.
Son enseigne Marwa s’est imposée dans le prêt-à- porter féminin
Une autre opportunité pointe à l’horizon : sachant que la matière première entextile est importée à plus de 80%, la tendance à la baisse des droits de douaneouvre de nouveaux horizons pour le business. Il crée une enseigne – qui est aussiune marque – de prêt-à-porter féminin, baptisée «Marwa». Il s’agit en quelquesorte d’une intégration verticale. Cette enseigne offre à la clientèle non pasun produit textile, mais une gamme entière qui intègre aussi sacs à main et chaussures.Dans ses magasins, on vient pour repartir avec un nouveau look et, comme, enla matière, l’offre est diversifiée, le client repartira forcément après avoirtrouvé… chaussure à son pied.
Ni la forte présence de l’informel ni les difficultés du secteur ne feront reculerKarim Tazi. Il mettra cependant une année pour constituer le tour de table. Lasociété démarre avec un capital de 20 MDH, qu’il contrôle à hauteur de 51 %.Le premier magasin, dont le local est loué avant d’être acheté pour 2 MDH, voitle jour au Maârif à la fin 2003. Le départ est poussif, mais la progression s’accèlèreensuite.
En attendant les ouvertures programmées cette année, l’enseigne compte 12 pointsde vente à Casablanca, Rabat, Marrakech, Agadir et, bien sûr, Meknès, la villenatale de l’entrepreneur. Quatre magasins sont gérés par des franchisés. A l’international,«Marwa» est commercialisée dans des magasins multimarques en France, Italie etEspagne. Karim Tazi se donne une année pour conclure des partenariats pour l’ouverturede points de vente de la marque en Espagne et au Moyen-Orient.
