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Ibn Khaldoun : à  faire lire d’urgence à  l’école !

L’histoire de Abderrahmane Ibn Khaldoun, né à  Tunis en 1 332, mort assassiné à  Tlemcen
en 1406 se passa entre ascensions fulgurantes et disgrà¢ces suivies de fuites éperdues
ou d’embastillements. En dépit de cette vie cahoteuse, ce novateur
a produit une Å“uvre brillante
et originale. Abdesslam Cheddadi, philosophe et historien, évoque
l’apport de ce grand penseur.

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Abou Zeid Abderrahman Ibn Khaldoun est né à  Tunis en 1332, dans une famille de notables originaire du Yémen et qui s’était d’abord installée à  Séville avant de rejoindre la Tunisie pour y servir la dynastie hafside. Grâce à  son père, qui abjura la politique au profit d’une carrière de moufti, Ibn Khaldoun reçut une éducation exemplaire. Ce qui lui valut d’être remarqué par Abou Ishaq II, dont il devint un secrétaire précieux.

Au mépris de toute loyauté, il se mettait au service du plus offrant
Comblé de faveurs, Ibn Khaldoun aurait pu faire fortune s’il n’avait pas été dévoré d’ambition. N’étant mû que par son intérêt personnel, il ne s’embarrassait d’aucun sentiment de loyauté et trahissait constamment ses protecteurs, se mettant au service du plus offrant. De là  une existence errante et sans cesse menacée dont le plus clair se passa en fuites éperdues. De Tunis à  Fès, de Fès en Andalousie, d’Andalousie à  Bougie, de Bougie à  Tlemcen, tantôt Ibn Khaldoun occupait de hautes fonctions, tantôt il croupissait dans les geôles à  la suite d’une disgrâce.
Mais ses déboires perpétuels n’auront pas été vains puisqu’ils lui inspirèrent un ouvrage majeur, Kitab al’ibar, substantielle histoire des Perses, des Arabes et des Berbères visant à  expliquer la politique du Maghreb de l’époque. La région était une zone de turbulences : les dynasties arabes s’entredéchiraient, les tribus berbères se soulevaient constamment, l’instabilité régnait. Jamais le Maghreb n’avait été aussi agité. Qu’est-ce qui provoquait cet état de fait ? C’est pour répondre à  cette question qu’Ibn Khaldoun composa la Muqaddima (Prolégomènes). Dans cette monumentale introduction au Kitab al’ibar, il apporta une nouveauté de taille concernant la conception de l’histoire. Jusque-là  celle-ci était considérée comme l’art de relater les faits. Ibn Khaldoun en fit une science, régie par des lois qui sont celles de la société, que la Muqaddima définit dans tous ses aspects, politiques, culturels, économiques, démographiques et sociologiques. «Ainsi, pour lui, l’essor des sciences dépend des flux commerciaux et des densités de population. Approche sociologique inédite qui va servir de base à  une vision cyclique de l’histoire», commente François Gauvin, un des meilleurs spécialistes d’Ibn Khaldoun.

Emprisonné sans raison apparente par les soins de Tamerlan
Avec la rédaction de la Muqaddima, Ibn Khaldoun s’était accordé un répit. Afin de collecter des documents pour une histoire universelle qu’il envisageait d’écrire, il reprit son bâton de pèlerin. De Tunis, o๠il consulta de nombreux ouvrages, il poussa jusqu’au Caire, dont il hanta les bibliothèques. Deux ans après son arrivée, il fut nommé grand cadi malékite d’Egypte. Le sultan Malik Annasir l’invitait souvent à  l’accompagner dans ses voyages. Non sans péril pour ce penseur habitué aux embastillements brutaux. C’est ainsi que, se trouvant en Syrie, il fut enfermé, sans raison apparente, en prison, par les soins de Tamerlan. Il en fut libéré quelque temps après et traité avec beaucoup d’égards. Une telle vie mouvementée ne pouvait que mal finir : en 1406, Ibn Khaldoun fut assassiné à  Tlemcen. Léguant à  la pensée une approche d’une indéniable actualité