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Gouvernance : Le Maroc verrouille le dispositif anticorruption

•L’adoption d’une nouvelle loi relative à l’instance de probité, de nouvelles nominations à la tête d’institutions clés et un travail déjà accompli sur le terrain, autant de facteurs qui renseignent sur la ferme volonté de l’Etat de mettre fin une fois pour toute à ce fléau.

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Les signes d’une imminente guerre totale contre la corruption ne trompent pas. La corruption et son corollaire, la dilapidation des deniers publics et la mauvaise gestion, pire que la corruption elle-même. Il faut préciser que ce sera une lutte permanente, de longue haleine, mais sûrement impeccable. Pour cela, un déblaiement de terrain s’impose, sur le plan juridique bien sûr. L’amendement de la loi portant création de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption fait partie de ce travail de préparation. Le texte a été adopté, mercredi, en deuxième lecture par la Chambre des représentants. L’objectif de cet aggiornamento légal étant, outre la promotion de la probité et la lutte contre la corruption, le renfoncement de la bonne gouvernance.
On retient particulièrement deux points dans cette nouvelle loi. D’abord le concept de la corruption a été élargi. Il englobe désormais tous les actes qui constituent des violations administratives et financières revêtant un caractère particulier, mais qui ne sont pas élevés au rang de crime à part entière. Plus encore, la nouvelle loi a élargi le concept de corruption, en incluant les infractions relatives à la législation pénale, ainsi que toutes les infractions relatives aux conflits d’intérêts, à l’activité des administrations et des organes publics et au mauvais usage des fonds publics, tels que définis dans l’article 36 de la Constitution.
De même, il est permis à l’instance de mener des recherches et des enquêtes et de préparer des rapports qui seront transmis aux autorités et instances compétentes pour le lancement des procédures disciplinaires ou pénales, selon les cas. Le deuxième point est relatif aux nouvelles attributions de l’instance. En effet, si son président juge qu’il y a lieu d’enquêter, il mandate un commissaire pour mener les investigations. Les procès-verbaux élaborés au terme des opérations effectuées par les commissaires ont une valeur juridique et font foi jusqu’à preuve du contraire. Ces PV sont, en effet, remis au président qui le soumet, à son tour, au Parquet. En évoquant le ministère public justement, il a connu il y a quelques jours la nomination à sa tête d’un nouveau président, Moulay El Hassan Daki, que le Souverain a nommé au poste lundi dernier. Magistrat de carrière et membre du Parquet depuis qu’il a intégré le système judiciaire, il y a quarante ans, c’est un homme de terrain, pour ainsi dire. Il aura à conduire le ministère public après une première phase d’installation, menée par son prédécesseur depuis la concrétisation de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le même jour a connu la nomination de Zineb El Adaoui à la tête de la Cour des comptes. La nouvelle présidente de la Cour des comptes, ancienne magistrate de la même juridiction. Elle a entamé, en effet, sa carrière, en 1984, en qualité de juge à la Cour des comptes, avant d’occuper, en 2004, le poste de Présidente de la Cour régionale des comptes de Rabat. Avant sa nomination, elle dirigeait l’IGAT, la bête noire des présidents des communes, après un passage par l’Administration territoriale. Elle évolue donc en terrain conquis. Magistrate de la même Cour et ancien wali de région, son passage à la tête l’IGAT lui sera sans doute également d’un grand apport. Son champ d’action couvre en effet tous les aspects de la gouvernance, et donc de la gestion des deniers publics. A l’instar des PV de l’Instance nationale de la probité, c’est également devant le Parquet qu’atterrissent les rapports de la Cour des comptes à chaque fois que les infractions relevées peuvent avoir un caractère pénal. Et naturellement pour instruire ces dossiers, un autre acteur entre en jeu : la DGSN, et plus précisément la police judiciaire. Dans cet environnement juridique et financier de lutte contre la corruption dans sa définition désormais élargie, l’action de la DGSN n’est donc pas en reste. Depuis quelques années déjà, cette institution a décidé de se réorganiser pour contrer efficacement les nouveaux crimes financiers et économiques. En 2016, rappelons-le, quatre brigades régionales avaient été créées pour lutter contre les crimes économiques et financiers qui auparavant étaient du seul ressort de la BNPJ dans le cadre de la stratégie nationale qui consiste en la multiplicité des acteurs dans le domaine (Cour des comptes, tribunaux financiers, INPPC…) . Ces brigades qui quadrillent, aujourd’hui, l’ensemble du territoire national seront constituées d’enquêteurs spécialisés en finance, économie, comptabilité et techniques de communication. En revenant au renforcement de l’arsenal juridique, on pourrait évoquer, entre autres, le récent amendement des lois organiques relatives à la première Chambre et aux collectivités territoriales. C’est de notoriété publique, certains candidats aux élections et aux postes clés dans les collectivités territoriales ont tendance à récupérer après leur élection l’argent, de grosses sommes, qu’ils ont dépensées pour leur campagne électorale. Cette brèche vient d’être définitivement colmatée. Les dépenses électorales sont non seulement plafonnées, mais elles doivent être portées scrupuleusement sur une déclaration comptable, selon un modèle unifié, qui doit être obligatoirement remise à la Cour des comptes ou, selon le cas, aux Cours régionales des comptes.
Nous sommes donc devant un nouvel environnement désormais très peu propice au développement de ce fléau. En même temps, l’application du principe de corrélation entre responsabilité et reddition de compte ne sera que plus renforcée. D’autres mécanismes peuvent bien sûr compléter ce dispositif. Il s’agit notamment du processus de digitalisation de l’administration, actuellement en cours, ainsi que la loi relative à la simplification des procédures administratives, également en plein déploiement. Le dispositif est donc au complet. Le chantier est préparé pour le prochain gouvernement.