Au Royaume
Fragilités
La situation actuelle des pays pétroliers et la manière avec laquelle chacun, selon son modèle, gère la crise de la baisse des cours du baril offre une excellente occasion d’apprentissage en matière de reingeenering économique.
Le Venezuela, par exemple, a déjà sombré dans la grosse crise et la pauvreté généralisée. D’autres pays ne sont pas à l’abri d’un tel scénario catastrophe.
De l’autre côté, la Norvège offre un paysage totalement contrasté. Dans ce pays scandinave, les recettes provenant du pétrole de la Mer du Nord représentent 20% des revenus de l’Etat et ont permis à Oslo durant toutes ces années de constituer un bon matelas notamment un des fonds souverains les plus puissants de la planète avec plus de 500 milliards de dollars. Il n’empêche que la baisse actuelle des cours va priver le pays de quelque 6 milliards de dollars d’un seul coup et engendrera la suppression de près de 40 000 emplois dans un pays connu pour avoir un des taux de chômage les plus bas au monde. Si la Norvège accuse mieux le coup c’est probablement parce qu’elle a depuis plusieurs années déjà entamé une réflexion sérieuse sur l’après-pétrole. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays pétroliers.
La situation diamétralement opposée de ces deux pays est un excellent cas d’école pour nous au Maroc même si nous ne sommes pas dans la situation de pays dépendant d’une seule manne et l’exploitant dans une vision court-termiste.
Mais la démarche est intéressante dans le sens où une économie ne peut être indéfiniment prospère sans que ses facteurs ne soient perpétuellement régénérés avec un esprit d’anticipation des tendances lourdes qui s’installent. A l’instar des cycles de vie de produits, aujourd’hui, le cycle de vie de l’économie marocaine dans sa globalité est loin d’avoir atteint la phase de maturité et encore moins la phase de déclin. Nous sommes depuis quelques années dans une nouvelle phase de croissance grâce à l’allumage de nouveaux moteurs ou le rallumage d’anciens moteurs qu’on croyait éteints à toujours comme l’agriculture. Certes, ce redémarrage, même lent mais sûr, s’est fait dans la douleur parce qu’il a été opéré presque dans l’urgence. Car, ce n’est que tardivement, au début des années 2000, que le Maroc a sérieusement pris l’option d’arrimer son économie aux nouvelles tendances mondiales. C’est ce qui a permis l’éclosion de secteurs nouveaux devenus aujourd’hui les vraies locomotives. Mais notre propre expérience de reingeenering économique et ce qui se passe aujourd’hui du côté des pays pétroliers doivent en principe nous servir de leçon : nos forces d’aujourd’hui peuvent, dans 30 ans voire moins, devenir des faiblesses et fragiliser dangereusement l’économie. Mieux vaut anticiper et se préparer que de subir les retournements de situation dans l’urgence…