Au Royaume
Financements extérieurs : Quelles options pour le Trésor ?
Pour alléger les pressions sur le marché domestique de la dette, le Trésor va recourir, au cours de ce mois de décembre, aux financements extérieurs. Si une sortie classique sur les marchés internationaux semble peu probable au regard de la conjoncture, le Trésor dispose d’autres alternatives…
Le recours du Trésor au marché intérieur de la dette publique afin de satisfaire l’essentiel de ses besoins de financement continue d’exercer des pressions à la hausse sur le marché primaire des bons du Trésor. Une tendance entamée depuis le début de l’année et qui se poursuit, avec pour conséquence un renchérissement du coût de la dette.
Dernier exemple en date : lors de la séance d’adjudication du 29 novembre dernier, «la maturité 13 semaines concernée par une levée de 4,5 milliards de dirhams s’est appréciée de 7 points de base à 2,65%», souligne Attijari Global Research dans sa dernière note d’analyse «Hebdo taux».
Il faut dire que dans un contexte marqué par la hausse du taux directeur de Bank Al-Maghrib de 50 points de base, en septembre dernier, et par une inflation autour de 8%, les investisseurs exigent des rendements plus élevés. D’autant que ces mêmes investisseurs anticipent une nouvelle hausse du taux directeur de BAM en décembre 2022.
Cette situation pose la question du recours du Trésor aux financements extérieurs en devises pour alléger les tensions sur le marché domestique des BDT. La loi de finances 2022 a d’ailleurs prévu des financements extérieurs à hauteur de 40 milliards de DH au cours de cette année.
Une partie de ce montant a été, ou sera mobilisée, via des prêts bilatéraux (Banque mondiale, Banque africaine de développement notamment). Il reste près de 20 à 25 milliards de dirhams à mobiliser via les marchés financiers internationaux. Il faut également garder à l’esprit qu’une échéance importante de 1,5 milliard de dollars doit être remboursée en décembre.
LPL et DTS entrent en jeu
Le Trésor privilégiera-t-il une sortie à l’international pour mobiliser ces fonds, comme ce fut le cas en 2020 et 2021, lorsque le Maroc avait bénéficié de conditions très avantageuses sur les marchés mondiaux pour lever de la dette ? Rien n’est moins sûr. Même si la Direction du Trésor et des Finances extérieures dit se tenir prête à cette éventualité en cas de fenêtre de tir intéressante, un consensus semble se dégager chez les professionnels pour dire que cette sortie n’aura pas lieu cette année. En cause: les rendements exigés par les bailleurs de fonds étrangers pour la dette marocaine à long terme libellée en dollar, qui se situerait entre 6% et 7%.
Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, avait lui-même estimé, lors du dernier conseil de la Banque centrale, que «les conditions sont de plus en plus difficiles sur le plan conjoncturel et que les bonnes fenêtres se referment, ou ne sont pas là».
D’autres alternatives s’offrent au Trésor: le tirage sur la Ligne de précaution et de liquidité pour un montant de 2 milliards de dollars ou encore les droits de tirages spéciaux (DTS) pour 1 milliard de dollars.
«Un éventuel financement du Trésor sur le marché extérieur (LPL ou DTS) durant les semaines à venir nous semble un scénario crédible», écrit à ce propos AGR.
Rappelons en effet que le 7 avril 2020, suite au choc occasionné par le déclenchement de la crise sanitaire, le Maroc avait procédé à un tirage sur la LPL du FMI pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars. Une partie de ces 3 milliards de dollars (près d’un milliard de dollars) avait été remboursée par anticipation en décembre 2020. Les 2 milliards restant, déposés chez BAM, pourraient ainsi être utilisés par le Trésor.
Même cas de figure pour les DTS: en août 2021, le Fonds monétaire international (FMI) avait émis des droits de tirages spéciaux (DTS) équivalents à 650 milliards de dollars (environ 456 milliards de DTS) en vue d’accroître les liquidités dans le monde pour faire face au choc pandémique. 1,2 milliard de dollars avaient été reçus par le Maroc, correspondant à sa quote-part de 0,19% dans l’institution de Bretton Woods. Inscrit au bilan de BAM, ces DTS sont aussi susceptibles d’être convertis en dirhams et être mobilisés par le Trésor.
«Le Trésor pourrait attendre le dernier moment pour faire son arbitrage», estime une source du marché.
Ligne de crédit modulable (LCM): Les négociations avec le FMI avancent
Alors que les autorités financières du Royaume étudient leurs options, les négociations entre le Maroc et le FMI avancent en parallèle autour de la mise en place d’une Ligne de crédit modulable (LCM), un mécanisme de financement réputé pour sa souplesse et qui, contrairement à la LPL, assure aux pays admissibles l’accès immédiat aux ressources du FMI sans conditionnalité continue.
Lundi 5 décembre, à la Chambre des conseillers, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a indiqué que le Maroc étudie actuellement avec le FMI la possibilité de l’usage d’une LCM en tant que garantie contre les chocs internationaux.
La responsable a ajouté que ce mécanisme de prévention est dédié principalement aux pays en voie de développement ayant des bases macroéconomiques solides et une capacité de mener des politiques économiques et financières saines.
Dans ce sens, elle a affirmé que l’accès à cette ligne de crédit modulable permettrait de renforcer la confiance des partenaires étrangers et investisseurs dans les perspectives économiques du Maroc et pour l’accès aux marchés financiers internationaux dans de meilleures conditions, en plus de permettre de mener les différents programmes de réformes entamés par le Royaume.