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Au Royaume

Expert-comptable et agitateur d’idées

Plus que les études, l’école de la rue et la nécessité de devoir compter sur lui-même auront forgé sa personnalité.
Le goût de l’aventure le mènera au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Congo
où il a accompagné les opérations
de privatisation.
En dehors de son métier de base,
il exerce moult activités associatives.

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rub 3019

«Un problème n’est ni plus ni moins qu’une opportunité en bleu de travail». Voilà qui est bien dit et voilà aussi qui plaît à ceux qui ont acquis très tôt le sens de la débrouille, l’autonomie de décision et l’esprit d’initiative. Une philosophie dont les Américains ne sont pas seuls à avoir fait une manière d’être, de créer et d’entreprendre. Abdelkader Boukhriss a appris, tout enfant, qu’il ne fallait compter que sur soi et que la vie n’offre que les restes aux défaitistes comme aux pleurnichards.
Issu d’une famille de huit frères et sœurs, la rue a été une bonne école pour lui. Son père, journaliste de la première heure, et sa mère, institutrice, l’ont poussé sur le chemin de l’autonomie. Né en 1960 au quartier Bourgogne, à Casablanca, à cinq ans, il prenait déjà tout seul le bus pour aller à la maternelle. Puis, ce sera le scoutisme à partir de dix ans et les colonies de vacances. Il reconnaît d’ailleurs volontiers qu’il n’a pas été ce qu’on appelle un enfant sage ou soumis, mais un môme plutôt turbulent, bagarreur au besoin. Dans la rue, dit-il, «il faut apprendre à se faire respecter avec les poings, mais aussi par la ruse et les alliances». Parallèlement à une vie intense et à l’expérience de la rue, le jeune Abdelkader a été ballotté intérieurement entre le conservatisme familial et la rigueur qui régnait à l’école des jésuites, qu’il a fréquentée avant le collège public. Cela lui a d’ailleurs donné une longueur d’avance sur ses condisciples pour ce qui est de la maîtrise de la langue. Et c’est ce qui a fait qu’il n’a eu aucune difficulté dans les deux cycles d’études scolaires, couronnées par l’obtention d’un Baccalauréat comptable en 1979.

Il crée son entreprise avant même d’avoir son diplôme
Deux de ses cousins l’avaient devancé en France pour suivre des études d’expertise comptable. Il choisit de suivre leur exemple, alors qu’il avait rêvé, enfant, de devenir professeur tant il admirait sa maman. Ce choix fut une chance car, à l’époque, il n’y avait aucune orientation pour informer les élèves en matière de cursus d’études supérieures. Il s’inscrit donc
à l’Institut universitaire de technologie de Grenoble. Ses débuts dans l’Hexagone seront difficiles. Mais il n’en a cure et les petits boulots ne lui font pas peur : il fera la plonge à l’université, les vendanges et exercera même en tant que veilleur de nuit pour compléter sa maigre bourse. En dépit de ces désagréments, il obtient son diplôme universitaire de technologie (DUT) option finances comptabilité en 1981. Ensuite, il rejoint l’Institut d’études commerciales de la même ville d’où il sort avec un diplôme d’études comptables supérieures (DECS) deux ans plus tard. Abdelkader Boukhriss entame alors son stage réglementaire d’expertise comptable à Grenoble, entre 1984 et 1988. Cela ne l’empêche pas de créer en 1986, à Casablanca, Experts Consultants Associés (ECA), cabinet de conseil et de formation, en association avec des partenaires marocains. Au bout de deux ans, juste après la fin de son stage réglementaire, il tente l’aventure subsaharienne, en allant monter un cabinet de conseil à Cotonou, en partenariat avec un expert-comptable béninois. Les missions de privatisation dans ce pays d’accueil, en Côte d’Ivoire et au Congo Brazzaville, ainsi qu’une mission de restructuration de la filière coton au Bénin seront riches d’expérience, expérience malheureusement interrompue par le décès de son père à la fin de l’année 1990.
Il revient au bercail en 1991 et reprend en main ECA – qui a entretemps rejoint le réseau Eurex – en rachetant d’abord les parts des actionnaires marocains. Durant la même année, M. Boukhriss a quand même eu le temps de décrocher son diplôme d’expert-comptable à Paris. Mais c’est seulement en 1998 qu’il devient seul maître à bord suite à la reprise des participations de ses associés étrangers. C’est aussi la fin du compagnonnage avec Eurex et le début d’une nouvelle étape dans sa carrière.
Avec quatre confrères de la place, il met sur pied un cabinet de groupe dénommé Maroc Défi Consultants. Ce partenariat ne durera que 5 ans (1998-2003) en raison de divergences de vues sur la stratégie de développement. Abdelkader Boukhriss se remet à son compte et relance ECA, recentré sur l’accompagnement des investisseurs étrangers. Encore une fois, il ne peut résister à la tentation de se rapprocher d’un autre partenaire, en l’occurrence la Société Fiduciaire du Maroc. Cette alliance a été scellée durant l’année en cours.
Outre sa récente spécialité, l’accompagnement des investisseurs, le département qu’il gère s’occupe de questions fiscales et comptables. Aujourd’hui, le cabinet compte un portefeuille d’une bonne centaine de clients.
Mais, en véritable agitateur d’idées, Abdelkader Boukhriss n’est pas homme à se laisser absorber par ses seules activités professionnelles. Et cela déjà du temps où il était à l’IEC puisque, en 1984, il avait créé l’association des étudiants de la branche «gestion des entreprises et des administrations». Puis, ce sera l’association des experts-comptables stagiaires africains. Aujourd’hui, il apporte son expertise à plusieurs associations d’utilité publique (Association de lutte contre le Sida, Noujoum, Goutte de Lait), quant il ne fait pas carrément partie des membres fondateurs, comme c’est le cas pour l’Alliance professionnelle de réflexion et d’orientation plus connue sous le nom d’Alliance Pro, pour Cobaty Maroc et le Réseau des associations marocaines de l’environnement (Rame). Son militantisme s’est également traduit par un rôle très actif dans la création en 2001 du Syndicat national des experts-comptables & commissaires aux comptes (Snex), association qui s’est depuis montrée très active dans la défense des intérêts de la profession.