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Au Royaume

D’une entreprise moribonde, il a fait d’Idéale l’imprimeur de référence au Maroc

Titulaire d’un MBA, il fait ses premières armes dans la banque avant de prendre en charge la gestion d’entreprises familiales.
Il multiplie par trois le chiffre d’affaires de l’imprimerie achetée à l’Ona en 1999 et investit 150 MDH dans du nouveau matériel.
Depuis 2005, il est aussi président de l’Association marocaine des imprimeurs.

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Youssef Ajana, DG de l’imprimerie Idéale, a bien marqué l’évolution du secteur durant ces dernières années. A part le fait que sa famille a acheté l’entreprise en 1998 à l’Ona, son influence ne doit rien au hasard. Des décisions audacieuses prises dès le départ lui ont non seulement permis de redresser l’imprimerie dont l’avenir était, à un moment, menacé, mais elles ont aussi fait souffler un vent de modernisation dans le métier.

Né en 1968, à Casablanca, Youssef est le benjamin et le seul garçon d’une famille aisée de quatre enfants. Il tombe amoureux de l’équitation, dès son jeune âge, mais sa passion n’est pas une simple lubie puisqu’il sera vice-champion du Maroc junior en 1986. Même s’il est de tous les concours et compétitions, ses études ne sont en rien perturbées.

Dès qu’il obtient son baccalauréat en économie en 1987 au lycée Lyautey, il choisit la France pour ses études supérieures. Il s’inscrit à l’Ecole des cadres à Paris d’où il sort diplômé en management en 1990. Il ne veut pas en rester là et s’envole pour les Etats-Unis pour un MBA à l’université de Los Angeles.

Aussitôt ses études achevées, il revient au Maroc en 1993. Il prend soin d’aller faire ses premières armes sur un «terrain neutre» avant d’être associé à la gestion des entreprises familiales. C’est à l’ex-Banque commerciale du Maroc (BCM) qu’il se familiarise avec le milieu des affaires, en passant six mois au siège et six autres mois en agences, côtoyant les dossiers de crédit et les systèmes d’évaluation du risque.

Entre 1995, il se voit confier le poste de DGA de Bosch Maroc, l’entreprise familiale qui avait l’exclusivité de la distribution de la marque allemande dans le pays. En plus de cela, il supervise au niveau stratégique deux autres entreprises familiales. Au total, il gère directement ou indirectement un effectif de 160 personnes pour un chiffre d’affaires d’environ 200 MDH, à l’époque.

Des débuts relativement difficiles
Trois ans plus tard, il prend en charge l’étude du dossier de l’imprimerie Idéale mise en vente par l’Ona. Sa famille finit par reprendre l’affaire et Youssef Ajana se retrouve DG en 1999, à l’âge de 31 ans à peine. L’entreprise n’était pas au mieux de sa forme. Elle réalisait un chiffre d’affaires d’à peine 70 MDH, traînait un lourd passif et un effectif de 360 personnes. Toutefois, «elle était structurée et possédait un savoir-faire indiscutable», explique-t-il.

De grosses difficultés allaient surgir dès les premiers mois. D’abord, les entreprises du groupe Ona qui constituaient 60 à 70% du chiffre d’affaires ont, comme par enchantement, commencé à se plaindre de la qualité du travail et commencèrent à réclamer des baisses de prix. La concurrence, notamment Gaillard Maroc et Le carton, qui était jusque-là exclue du marché des filiales de la holding, tant que cette dernière avait sa propre imprimerie, ont alors commencé à approcher ce territoire jadis chasse gardée d’Idéale. Cette dernière accepte alors de réduire le montant de ses factures de 10 à 15%. Un avantage qui profite également aux multinationales, notamment les grosses pointures de la lessive, mais il fallait trouver autre chose, les filiales de l’Ona n’étant plus un marché captif.

Pour le jeune entrepreur, ce fut un vrai électrochoc. «J’ai vite compris que pour continuer à dominer le marché par un service et une qualité irréprochables, il fallait être en mesure d’offrir un plus aux clients. J’ai alors eu vent d’une machine 6 couleurs qui était aux enchères pour cause de faillite d’un imprimeur en France.

C’était une bonne occasion, sachant qu’Idéale n’avait qu’une machine 4 couleurs». La décision d’investir est validée. La machine lui revient à 2 MDH, alors qu’elle aurait coûté entre 6 et 7 millions à l’état neuf et selon la version.

70% de parts de marché à préserver
Avec cette acquisition, Idéale offre une couleur supplémentaire gratuitement aux clients pour le même prix et maintient la qualité des prestations. Cette politique commerciale lui permet de couper l’herbe sous les pieds de la concurrence.

Mais pour poursuivre sa croissance et continuer à faire travailler ses machines de manière optimale, l’entreprise devait maintenir ses 60 à 70 % de parts dans un marché qui devenait de plus en plus concurrentiel selon Youssef Ajana. Il fallait, donc, «jouer très serré», compresser les dépenses et réduire les charges pour rester compétitif et attractif pour une clientèle de plus en plus exigeante.

L’entreprise respire, mais la concurrence reste aux aguets. Le tournant viendra en 2000. L’idée : développer réellement le métier d’imprimeur presse. M. Ajana s’impose un défi : imprimer toute la presse magazine locale qui avait choisi l’Espagne faute d’installations conformes à ses critères de qualité sur la place.

Il fallait pour cela acquérir des équipements nouveaux, principalement une rotative labeur. Youssef Ajana fut alors tenté de créer une entité en association avec un groupe de presse marocain et Printon, un imprimeur espagnol. «L’échec de cette tentative s’explique par les exigences des Espagnols qui, contre leurs vieilles machines, voulaient bénéficier de royalties exagérées et un contrôle-qualité qui imposaient un nombre important de leurs cadres avec des salaires mirobolants. J’ai alors décidé de réaliser seul le projet».

La grosse difficulté était de trouver un client de taille qui puisse justifier un investissement de 40 MDH dans une rotative. Il a fallu près de deux ans pour démarrer la première rotative et aujourd’hui ce choix s’est avéré si lumineux qu’Idéale imprime la quasi-totalité des magazines locaux, et même un journal La Vie éco. En 8 ans, Idéale a investi 150 MDH et a fait passer son chiffre d’affaires de 70 à près de 200 MDH.

Et demain, certainement de nouveaux défis, et, déjà, une nouveauté. L’imprimeur a fait l’acquisition d’une quatrième machine «labeur», mais pas n’importe laquelle : une «32 pages» (impression d’un cahier de 32 pages format A4 d’un bloc) qu’il est le seul à posséder en Afrique. Avec tout cela Youssef Ajana trouve encore le temps de présider aux destinées de l’Association marocaine des imprimeurs.