Au Royaume
Devoir de dissidence
Après coup de Mr Et-Tayeb Houdaifa.
Naguère, la parole, quand elle outrageait un homme public, était fermement étouffée, réduite au silence. Les censeurs, ces empêcheurs de parler vrai, veillaient au grain. La moindre allusion désobligeante se trouvait guettée, traquée, et en fin de compte éradiquée. Beaucoup avaient la prudence de ne pas s’aventurer dans ces eaux-là, tant elles étaient mouvantes. Ceux qui s’y risquaient passaient fatalement sous les fourches caudines. Car on ne badinait pas avec les tabous. Offenser un intouchable en formait un. Depuis peu, ce verrou-là a sauté. Cependant que les structures culturelles demeurent engoncées dans des préjugés obscurantistes, l’expression, elle, s’est libérée de maintes entraves. Heureux temps, se réjouirait-on. Oui, si l’on ne mésusait pas de cette liberté retrouvée. La virulence est devenue la norme, la hargne a bonne presse, les imputations colomnieuses sont de bon ton. Epinglez, éreintez, torpillez, vous recevrez la bénédiction du public, vous ferez recette, vous serez admiré. Si vous vous avisez de seulement informer, en faisant la part des choses, en choisissant ce qui vaut d’être dit et rejetant ce qui ne le vaut pas, vous serez, au mieux, définitivement taxé de conservatisme, sinon mis à l’index pour compromission. Au vrai, nous n’avons pas avancé d’un iota, puisque nous avons seulement substitué à un tabou tenace un autre encore plus obstiné, celui qui se moque de la vérité pour laisser libre cours au ressentiment. Ne pas se plier aux oukases de la nouvelle bien-pensance revient à entrer en dissidence avec l’air du temps. Vive la dissidence !