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Au Royaume

D’Elton John à  Latifa Ahrare

L’arrivée du PJD au pouvoir va libérer la parole d’une frange conservatrice, peut-être radicale. Le chef de file de l’exécutif doit s’en tenir à  la loi.

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FADEL Agoumi 2011 12 22

Mardi 20 décembre, sur le réseau social Facebook,  qui compte aujourd’hui 4 millions de membres marocains, une page était créée, appelant au crime contre l’actrice Latifa Ahrare. Dénoncée, la page fut vite supprimée par les administrateurs du réseau. Mais le geste est choquant, inquiétant.

Que reproche-t-on au juste à l’actrice ? D’avoir dénudé de manière ostentatoire ses jambes, en réaction à la déclaration d’un des cadres du PJD qui appelait à une évolution vers des manifestations culturelles «propres». Ce même cadre, en parlant de la sorte, fustigeait Latifa Ahrare qui s’est produite en maillot dans une pièce de théâtre.
Le PJD n’en est pas à sa première du genre. Lors de la sortie du film Marock, il avait violemment réagi, tout comme il avait attaqué le chanteur Elton John, venu se produire lors du festival Mawazine, au prétexte que  l’artiste est homosexuel, et d’autres exemples peuvent être cités.

D’un parti politique d’opposition, au référentiel religieux assumé, le PJD est devenu aujourd’hui le chef de file de l’Exécutif. Ses paroles ou les déclarations de ses membres dirigeants sont donc amplifiées, surmédiatisées et souvent prises comme des messages, comme une caution.

On ne pourrait certes pas reprocher au PJD cet appel au crime contre une citoyenne, mais force est de remarquer qu’il a contribué à jeter de l’huile sur le feu. De même, on ne pourrait incriminer le PJD lorsque, jeudi 15 décembre, la chanteuse Hindi Zahra a eu droit à des huées pour s’être produite en Israël, mais, des actes similaires étant appelés à se répéter, il est de son devoir de protéger les citoyens et le libre commerce.

Plus généralement, l’arrivée du PJD au pouvoir va libérer la parole d’une frange conservatrice, peut-être radicale, de la société marocaine, qui jusque-là, s’exprimait peu et qui va saisir l’occasion. Or, le parti en charge des affaires de l’Exécutif a la responsabilité de tous les Marocains. En tant que tel, il doit d’abord faire appliquer la loi. Et la loi ne dit pas que porter un maillot est illégal, la loi ne dit pas qu’un chanteur homosexuel  ne saurait venir au Maroc, la loi ne dit pas qu’un film agréé par les instances habilitées puisse donner lieu à des agressions.

Le chef du gouvernement doit veiller à ce que cette dérive n’ait pas lieu et le PJD doit se plier à un devoir de réserve, car le risque est de voir se créer, au sein de la société,  une fracture qui radicaliserait les positions de part et d’autre. Et personne n’en a ni le besoin ni l’envie.