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Au Royaume

Crevons l’abcès

Si l’on devait faire un parallèle, tout comme on interdit l’alcool, il faut interdire les marabouts, le port de maillots, les cinémas, imposer l’arrêt du travail aux heures de prière…

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C’était inévitable ! Les guéguerres qui agitent le Maroc politique depuis quelques mois ont fini par se déplacer sur le champ de la vente de boissons alcoolisées. En dépit de l’exploitation politicienne de l’affaire, le débat mérite d’être ouvert, car, in fine, il en découle une question plus large : Quel Maroc voulons-nous ?  

130 millions de litres de boissons alcoolisées sont consommées annuellement au Maroc. L’on sait bien que ce ne sont pas les 70 000 étrangers résidents qui les achètent, au risque d’en boire cinq litres, chacun, par jour. Le fait est qu’une grande partie de Marocains en sont consommateurs. 

De ce constat découle un enjeu économique. Au-delà de la manne fiscale, (entre TIC et TVA), qui dépasse très largement le milliard de DH, encaissée par l’Etat, le secteur de l’alcool au Maroc rapporte, de manière directe ou indirecte, aux producteurs, importateurs, distributeurs, détaillants, restaurateurs, hôteliers et lieux de loisirs nocturnes, un courant d’affaires non négligeable. Réclamer l’application stricte de la loi c’est non seulement réduire des commerces à néant, mais c’est aussi priver d’emplois et de ressources des centaines de milliers de familles. Face à cela, l’article 6 de la Constitution qui stipule que l’Islam est la religion de l’Etat et l’article 28 de l’arrêté de 1967 qui interdit la vente d’alcool aux musulmans et punit l’ivresse publique. Face à cela, aussi et malheureusement, l’arbitraire qui peut affecter le citoyen et le commerçant quand l’Etat, qui laisse faire, décide de sévir quand il veut.

Ceux qui réclament l’application de la loi ne sont pas dans le tort. Un pays de droit ne doit pas bafouer ses propres règles. La solution serait-elle alors d’abroger l’article qui interdit la vente d’alcool ? Oui, car sa vente ne serait pas explicitement permise et donc la cohérence avec l’article 6 de la Constitution serait respectée. Oui, encore, car si l’on devait traduire en lois, arrêtés et décrets tout ce que cet article 6 implique, il faudrait interdire le port des maillots, détruire les marabouts, imposer l’arrêt du travail aux heures de prière, supprimer les cinémas…, tout un modèle sociétal à changer, est-ce cela que nous voulons ?

En revanche, il serait utile, tout en abrogeant l’article 28 en question et en considérant la consommation d’alcool comme étant du domaine des libertés individuelles, de faire respecter la loi concernant les autres articles, ceux qui interdisent la vente aux mineurs, ou aux personnes déjà ivres, par exemple ; parce que sous prétexte d’une loi inapplicable, on ne fait rien respecter jusqu’à présent.

Com’ese

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