Au Royaume
Corporatistes vs arrivistes

Depuis la nuit des temps, au Maroc comme dans beaucoup d’autres pays, le corporatisme a toujours fait partie de l’évolution même des activités humaines et les membres d’une même profession, bien que concurrents, se sont toujours constitués en corps au moment de devoir défendre des intérêts communs. Au Maroc, durant des siècles, le corporatisme a même été érigé en institution presque légale avec les fameux oumana des artisans, considérés comme des Primus inter pares à qui les membres de la même profession se référaient pour résoudre leurs problèmes, pour parler en leur nom et pour les défendre surtout.
Mais l’évolution a voulu que l’humanité découvre et développe aussi, des siècles plus tard, des notions nouvelles comme la démocratie, l’égalité des chances, l’ouverture qui sont toutes porteuses de valeurs qui vont exactement à l’encontre de l’esprit du corporatisme.
L’histoire récente de l’économie marocaine est pleine d’exemples de secteurs qui ont été dévastés, détruits soit parce que trop fermés et monopolisés soit parce que ouverts à n’importe qui.
Il y a quelques jours, un représentant des promoteurs immobiliers, s’exprimant devant un parterre de professionnels, de décideurs et de journalistes, démontrait par A+B comment le secteur immobilier qui se portait pourtant bien il y a quelques années a été dévasté voire sinistré à cause de l’arrivée de promoteurs occasionnels à la recherche d’opportunités et qui se sont improvisés promoteurs du jour au lendemain le temps d’un projet. Contre ces «arrivistes» qui ont fait tant de mal à un secteur solide, notre orateur n’a pas hésité à demander, même si c’est à demi-mot, une intervention des pouvoirs publics pour protéger le secteur.
Bien d’autres secteurs de notre économie ont été sinistrés, de la valeur détruite et des milliers d’emplois perdus à cause de cette culture d’opportunisme. Bien des professions et non des moindres ont été, et sont encore, dévalorisées quand elles ne sont pas salies à cause d’opérateurs arrivistes, opportunistes.
Dans la configuration de l’économie moderne, le corporatisme peut prendre des formes qui sont en effet inacceptables et malsaines comme le monopole et les chasses gardées. Le corporatisme, on l’a déjà vu, peut tuer une profession ou un secteur. Mais l’ouverture tous azimuts peut tout aussi être néfaste.
La posture la plus raisonnable serait une sorte d’auto-régulation collective, intelligente, d’abord concertée entre les acteurs eux-mêmes et, a posteriori peut-être, supervisée par une tierce partie qui pourrait être l’Etat. Mais l’immunité d’un secteur ou d’une profession, a fortiori d’une économie, n’est garantie ni par les seuls textes de lois ni par le pouvoir régulateur de l’Etat. Elle provient d’abord de la maturité des acteurs eux-mêmes…
