SUIVEZ-NOUS

Au Royaume

Confrères

On trouve de tout dans
la presse marocaine,
les tireurs d’élite,
les “rumoristes” patentés, les interprètes illuminés et les vendeurs d’articles. Et l’information ?

Publié le


Mis à jour le

On trouve de tout dans la presse marocaine. Il y a du bon, du très bon même, mais il y a aussi du moins bon. Il y a aussi ceux qui font dans la rumeur, le commentaire narquois et l’atteinte à la vie privée au détriment de l’information, de la critique responsable de l’indignation argumentée. Cette pratique s’est tellement développée que le secteur en est arrivé à développer des spécialités. Ainsi, un de nos confrères, qui s’est érigé en défenseur invétéré de l’Etat et des grands annonceurs, a orienté son fonds de commerce vers le tir d’élite. Un article est trop critique ? Et hop que je te canarde la publication à coup de qualificatifs fielleux. La démonstration, l’argumentation ? Quand elles existent, elles ne sont là que pour soutenir la vindicte.

D’autres confrères se sont fait certifier « rumoristes ». Ils publient tellement de mensonges que l’on arrive même à se demander si dans leur démarche qualité, ils n’en sont pas arrivés à créer eux-mêmes d’excellentes fausses informations. Le concept marche fort, le lecteur aime et les victimes n’ont pas le temps de porter plainte. Comble, quand la victime appelle pour se plaindre, elle se voit répondre, placidement, que l’article en question a échappé à l’attention du responsable. Un droit de réponse constitue pour ces confrères la consécration suprême, l’occasion de faire un vrai feuilleton d’un mensonge. Forts les confrères !

Il y a également les spécialistes de l’interprétariat. Vous sortez un article négatif sur un parti ? Les experts vous traduisent le sens des mots : Le Palais est mécontent de son leader. Une idée originale pour la fête du Trône ? Votre dossier est commandité par le Palais. Un scoop sur un dossier gouvernemental ? Vous êtes pro-makhzénien. Un entretien avec telle ou telle personnalité ? Vous êtes dans un clan bien défini.
Enfin, il y a ceux qui travaillent à flux tendus. Zéro stock, optimisation totale. La production d’articles est totalement orientée vers la satisfaction des… sources qui le leur rendent bien en publicité ou même en espèces sonnantes et trébuchantes. Et le lecteur ? Bof !

On peut être subjectif, mais la subjectivité doit être désintéressée. On peut critiquer et dénoncer, mais le souci premier doit être la recherche du bien public. On peut commettre des erreurs, mais le professionnalisme veut que l’on corrige ces erreurs, même sans mise au point et que l’on s’excuse. N’est-ce pas, là, le minimum à exiger de soi-même quand on passe son temps à pointer du doigt les autres ?