Au Royaume
Charité bien ordonnée…
A chaque fois qu’il s’est agi de ses intérêts, l’Etat
a modifié la loi avec célérité. Nous aurions aimé qu’il soit aussi diligent quand il s’agit
des autres entreprises.
On s’y attendait, l’opération de cession de 4% du capital de Maroc Telecom a apporté son lot de nouveautés. Outre la méthode de placement permettant de boucler le deal en 48 heures au lieu d’attendre plusieurs semaines, voire l’après-élections, ce qui attire l’attention, c’est cette capacité de l’Etat à agir rapidement pour que ses intérêts soient préservés au mieux. Illustration, un arrêté ministériel est tombé pour réduire la corrélation du prix de cession sur le marché de blocs avec le cours négocié sur le marché central. Si le règlement général de la Bourse de Casablanca ne permet la vente d’un bloc qu’à un prix compris dans une fourchette de 1% par rapport au cours de la Bourse, dans le cas de Maroc Telecom, cette fourchette passera à 10%. Ce qui aura pour conséquence de satisfaire la plupart des institutionnels. Une bonne chose.
Ce n’est pas la première fois que l’Etat s’active pour retailler la loi à sa mesure. En 2004, à l’occasion de l’introduction en Bourse de Maroc Telecom, il a rendu possible la cession d’à peine 14,9% du capital, alors que le minimum légal à l’époque était de 20%. Le ministère des finances, en la personne de Fathallah Oualalou, a également fait voter, en un temps record, un projet de loi autorisant la cotation d’une entreprise publique dans les Bourses étrangères, afin de permettre à l’opérateur télécoms d’entrer à la Bourse de Paris. Mieux encore, l’Etat a autorisé l’abaissement de la valeur nominale de l’action de 100 à 10 DH pour pouvoir vendre le titre Maroc Telecom à 68,25 au lieu de 682,5 DH dans l’objectif d’attirer le maximum de souscripteurs n’ayant pour critère de décision que le prix absolu d’introduction. Bonnes ou mauvaises nouvelles ? Il serait injuste de qualifier la démarche de l’Etat d’inopportune. Dans les faits, cela a permis de moderniser le marché et de le rapprocher des standards internationaux. Dans tous les systèmes organisés, la pratique démontre les limites de la réglementation et aboutit de fait à une amélioration des textes. Sauf que… toutes ces avancées ont d’abord profité à une entreprise dans laquelle l’Etat a une part significative. Sans faire de procès d’intentions, et tenant compte de la taille exceptionnelle des montants en jeu, nous aurions aimé qu’au moins l’une de ces mesures novatrices, que cette célérité de l’Etat à agir aient été de mise quand d’autres entreprises s’introduisaient en Bourse et avaient le plus grand besoin de bénéficier d’une certaine dose de flexibilité.