Au Royaume
Blague à l’européenne
S’il existait un classement mondial des meilleures blagues de l’année, la palme d’or 2017 reviendrait incontestablement à l’équipe d’experts européens de très haut niveau chargée de préparer le rapport qui a servi de base aux ministres des finances de l’Union Européenne, lors de leur réunion du mardi 5 décembre, à l’issue de laquelle ils ont rendu publique la liste (noire) des paradis fiscaux.

Ces «experts», baptisés «Groupe du code conduite» et mandatés par le Conseil de l’Europe, devaient dans un premier temps se rendre au Maroc pour éplucher notre arsenal fiscal et statuer sur notre sort.
Finalement, peut-être pour cause d’agenda trop chargé en cette période de fin d’année, les experts se sont contentés d’envoyer un questionnaire à l’administration marocaine, la priant de le renseigner et de le retourner. Les mêmes démarches ont été menées pour une quarantaine de pays dans le but de préparer la réunion du 5décembre des ministres des finances de l’UE.
Mais voilà que quelques jours avant la grande révélation, le ministre de l’économie et des finances, Mohamed Boussaid, eut vent du verdict desdits experts : le Maroc est classé comme étant un paradis fiscal ! Et ce n’était pas une farce. Au vu des réponses apportées par l’administration marocaine au questionnaire, le groupe d’experts a considéré, entre autres, que les dérogations, exonérations et divers incitations et avantages fiscaux accordés aux investisseurs ou encore les statuts privilégiés dont jouissent les opérateurs économiques installés dans les zones franches sont autant d’éléments qui portent à croire que le Maroc est un paradis fiscal. C’est en tout cas ce qui a été, entre autres, clairement signifié au ministère des finances marocain.
Et même si, après une bonne explication, le Maroc a été finalement retiré de la liste définitive des 17 pays considérés par les ministres des finances des Vingt-huit comme étant de «vilains paradis fiscaux», cela ne change rien au fond de la démarche et des questions qu’elle suscite.
Que dire d’un pays comme l’Irlande où se sont implantés de grands groupes comme Google et Apple pour profiter de dispositifs fiscaux, comme le fameux Double Irish arrangement, en vue de payer le moins d’impôts possible ? Que dire du Luxembourg, du Liechtenstein ? Que dire de l’Espagne même avec Sebta et Mellilia qui sont des villes entièrement zones franches et qui déversent chaque année l’équivalent de 17 milliards de DH de marchandises sur le marché marocain ? Il est tout de même étonnant que le groupe d’experts n’ait pas relevé ces «anomalies fiscales» pourtant en plein cœur de l’Europe ? Les Vingt-huit font encore mieux quand, sur leur liste définitive des 17, ils ne retiennent ni les Bahamas, ni les Îles Caïmans. Moralité de l’histoire : le Maroc a de la chance d’avoir un voisin, comme l’Europe, qui non seulement est un partenaire respectable, respectueux et sérieux mais qui, en plus, peut faire preuve d’un sens de l’humour décapant. De sacrés farceurs ces Européens !
