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Au Royaume

Azeddine Guessous : Son père le voulait alem, il deviendra un poids lourd du monde de l’économie

Il commence sa carrière au bureau parisien de l’OCP avant de devenir directeur financier du groupe.
Ministre, ambassadeur, banquier, assureur…, Azzedine Guessous est un fin connaisseur des rouages des secteurs public et privé.
Il a été l’artisan du redressement de la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite.

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Claude Cheysson, ancien ministre français des affaires étrangères, le trouvait d’une intelligence peu commune. Il en avait fait des louanges publiques et spontanées à plusieurs occasions. Il ne comprenait pas, en effet, comment Azzedine Guessous – c’est de lui qu’il s’agit – pouvait se retrouver, avec autant d’aisance, dans les différents accords entre le Maroc et  l’Union Européenne avant, pendant et après l’élargissement. Mais l’homme, qui a été ministre en charge de plusieurs portefeuilles sous le règne de feu Hassan II, n’est pas, à une reconnaissance près, pour son talent de fin connaisseur de nombreux dossiers et de redoutable négociateur, par ses pairs du monde politique comme du monde des affaires.
Et ce n’est pas un hasard si on continue à l’appeler pour diriger de grandes structures. En avril dernier, à près de 70 ans, il prenait la tête du directoire de Risma et, pour accepter cette mission, il a dû renoncer au poste de Pdg de Maghrebail où il garde la présidence non exécutive.
Rencontré lundi 25 octobre, l’homme est d’une modestie confondante et ne doit son succès ni à un quelconque coup de pouce de sa famille ni à une appartenance politique. Il est né en 1941 à Fès dans une famille où il est le deuxième d’une fratrie de sept frères et sœurs. Le père est commerçant en tissus et la mère femme au foyer. Pourtant, le jeune Azzedine doit beaucoup plus à sa mère d’avoir été ancré dans la modernité et d’avoir fait de longues études car son père, lui, le voyait surtout comme alem à la Qaraouiyine. Après les études primaires et secondaires dans l’enseignement public dont il se déclare être fier, il obtient un bac «mathématiques élémentaires», en 1959, et effectue ses prépas au lycée Lyautey à Casablanca. Ses bonnes notes lui ouvrent naturellement les portes d’HEC Paris en 1961.
Quand il termine son cursus en 1964, il est recruté par le bureau parisien de l’OCP, ce qui ne l’empêche pas de s’inscrire à l’Institut des sciences politiques de Paris. Trois années plus tard, il est remarqué par Karim Lamrani, alors président du groupe, qui le nomme en 1967 à la tête de la délégation commerciale de l’office en Europe. C’est là qu’il fait connaissance avec les grands comptes de l’OCP, notamment les Japonais, les Européens et qu’il va commencer à affiner les alliances avec les clients indiens.
En 1970, Azeddine Guessous se voit offrir le poste de directeur financier de l’OCP au Maroc. Cela va correspondre à l’époque de l’essor de l’entreprise avec la construction des unités «Maroc Phosphore», entre 1971 et 1977.

Sept ans à la tête de l’ambassade du Maroc en Espagne

En 1977, Azzedine Guessous prend une décision étonnante : il quitte l’OCP alors qu’il n’avait aucune proposition en vue. Durant quelques mois, il se repose, jusqu’à ce que Abdelaziz Alami, Pdg de l’ex-BCM lui fasse la proposition mirobolante de devenir le numéro deux de la banque. Il n’aura pas le temps d’y démontrer ses talents. Le 2 novembre 1978, feu Hassan II le nomme ministre du tourisme. Il jure ses grands dieux qu’il n’a jamais percé le mystère de cette nomination. En fait, feu Hassan II avait dit, à l’époque, dans un discours, qu’il cherchait deux hommes pour deux missions, l’une pour faire le diagnostic du ministère du tourisme, justement, et la seconde pour la prise en charge des établissements publics. Azeddine Guessous trouve qu’il fallait élaborer une politique globale pour contrer les plaies du secteur : l’absence d’animation, les faux guides et les bazaristes indélicats… Deux ans plus tard, et à peine avait-il commencé les réformes que le Roi lui confie, en sus de ses responsabilités, le ministère du commerce et de l’industrie mais aussi la pêche et la marine marchande. Il fallait conduire plusieurs chantiers à la fois… Mais les choses vont aller très vite car tout va être à l’heure du fameux plan d’ajustement structurel. Il fallait également gérer les relations avec l’Union Européenne alors appelée Communauté économique européenne (CEE). Azeddine Guessous hérite du dossier en 1981. Un dossier qui va se compliquer avec l’adhésion de l’Espagne en 1986. C’est dans la continuation de sa mission qu’il sera nommé ambassadeur du Maroc dans ce pays à partir de 1986. Il y reste sept ans.

Un nouveau défi à la tête de Risma

La période qui va suivre sera, certes, riche, mais pas du tout facile pour le grand commis de l’Etat. Il en profitera néanmoins pour intégrer le Comité exécutif du Club de Rome, entre 1993 et 1994. Il faudra attendre 1995 pour voir Azeddine Guessous reprendre du service. D’abord à la tête de la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR) pour tirer la sonnette d’alarme et conduire la douloureuse réforme sans laquelle la pérennité de la caisse aurait été mise à mal. Il sera, en effet, nécessaire d’augmenter les cotisations salariales et patronales, réduire la progression des prestations qui allaient plus vite que l’inflation. Il y restera jusqu’en 2001 lorsqu’il est appelé à la tête de l’assurance Wataniya qui venait de passer sous la coupe de Finance com.
En 2004, Azzedine Guessous prend la tête de Maghrebail qu’il a quittée en avril 2010 pour la présidence du directoire de Risma. Il prend à cœur sa nouvelle mission et s’est déjà fixé une feuille de route qu’il résume ainsi : «Jusque-là, les périmètres d’action du propriétaire des hôtels et de leur gestionnaire étaient confuses. Il s’agit d’en déterminer le contenu avec précision, mais dans le même temps, il faut mobiliser des ressources pour assurer le développement du groupe, qu’il s’agisse de moyens humains ou financiers». A presque 70 ans, l’homme n’est pas près de prendre sa retraite.