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Assurance Takaful : Un client sur quatre toujours pas convaincu

Des banques ont réussi à faire adhérer plus de 70% des clients ayant déjà contracté un financement à l’assurance Takaful. Des résilients existent encore. Ils craignent un surcoût qui, au final, n’est que de 0,5% du capital restant dû.

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Juillet dernier, l’assurance Takaful est enfin entrée en vigueur. Plusieurs produits peuvent être commercialisés depuis, dont la vie et décès, l’investissement Takaful, ainsi que les opérations d’assurances contre les risques d’accidents corporels, contre l’incendie et éléments naturels, contre le bris de glace et contre les dégâts des eaux.
Aujourd’hui, et pour le moment, les banques participatives se limitent à couvrir le stock des financements participatifs liés à la Mourabaha immobilier déjà contractés. Elles ont élaboré plusieurs campagnes de sensibilisation et de vulgarisation, à coups de capsules vidéo et de publicité à la télé et radio pour faire adhérer les clients. Les banques contactées affirment avancer conformément au planning prévu. «Dès que nous avons obtenu l’autorisation de commercialiser ces produits, notre challenge était de faire migrer les 50 000 clients ayant déjà contracté un financement vers cette assurance», nous confie Abdessamad Issami, président du directoire d’Umnia Bank. Il ajoute : «En 4 mois, notre taux de réalisation est de plus de 72%». Autrement dit, près de 3 clients sur 4 sont actuellement couverts.
On retrouve plus ou moins ces mêmes réalisations auprès de ses consœurs. C’est le cas notamment de Bank Assafa qui s’estime même en avance sur le programme prévu initialement. Pour Abdelkrim Fazazi, Directeur Général de Al Maghribia Takaful, filiale d’assurance participative de La Marocaine Vie (compagnie d’assurance du Groupe Société Générale au Maroc) : «Depuis l’annonce de notre lancement en fin juin dernier, près de 70% des clients bénéficiant d’un financement participatif auprès de Dar Al Amane (fenêtre participative de Société Générale Maroc), sur les près de 6 500 qui étaient à couvrir, ont initié les démarches de souscription à un contrat d’assurance des emprunteurs Takaful, dont les trois quarts y ont déjà effectivement adhéré». Toutefois, si certaines à l’instar de Bank Assafa et Al Maghribia Takaful ont fait le choix de prioriser la couverture des détenteurs de financements immobiliers et consommation avant d’élargir leur offres de produits, notamment à la Multirisque Bâtiment, d’autres institutions, comme Umnia Bank, ont, elles, opté pour la commercialisation des deux offres en même temps. «Certains n’ont pas demandé l’autorisation de l’ACAPS pour commercialiser la multirisque habitation. Ce qui a créé un cafouillage sur le marché, dans le sens où des informations ont circulé sur le caractère non obligatoire de cette assurance, alors qu’elle l’est de manière contractuelle». Ce n’est pas l’avis d’un autre opérateur qui, lui, estime que le client devra subir un léger surcoût lié à l’assurance décès-invalidité et que ce n’est pas la peine de lui en rajouter un autre sur le tas. «Tout l’enjeu est de faire adhérer les clients d’abord à ce système d’assurance Takaful. Ensuite, souscrire à d’autres produits serait chose facile, puisque le mindset est déjà rodé», explique le directeur d’une banque participative. Fazazi, lui, prévoit la commercialisation par Al Maghribia Takaful de son offre Multirisque Bâtiment dans le courant du 1er trimestre prochain, en poursuivant parallèlement les efforts auprès de ses clients et du grand public pour créer les conditions de confiance.

Des avantages pour pousser les clients à souscrire

Et pour justement attirer les clients à se faire couvrir, et bien que le système soit confectionné de sorte à permettre l’inclusion financière des personnes exclues du système conventionnel, entre autres, des banques dont notamment Umnia Bank ont octroyé un avantage de taille à leurs clients, en les exonérant de passer la visite médicale, au moment où ce processus est important si le contrat de financement dépasse un certain montant ou si le client est à un âge avancé.
Cependant, des récalcitrants existent, «soit qu’ils refusent d’accepter l’idée d’un surplus au niveau de leur traite, soit qu’ils prennent le temps de réfléchir», nous apprennent ces opérateurs. Pourtant, dès la conclusion du contrat de financement, les clients ont signé un engagement selon lequel ils doivent contracter une assurance Takaful, une fois qu’elle sera mise sur le marché. Que faire dans ce cas ? Après épuisement de tous les moyens de conviction et d’approche client, ce dernier n’a qu’à assumer les conséquences de sa réticence en cas d’incapacité d’honorer ses engagements à cause d’un décès ou invalidité, parce qu’au final, la banque est couverte par l’hypothèque et c’est le client ou sa famille qui devraient faire les frais de son refus. Il est à signaler qu’à l’instar du système classique d’assurance, le client n’est pas obligé de produite une assurance Takaful, auprès de la compagnie d’assurance, filiale de la banque auprès de laquelle il a contracté son financement. Il peut s’adresser à une autre ; l’important est de se couvrir contre le décès et invalidité d’abord et d’assurer son habitation ensuite.
Par ailleurs, selon ces directeurs de banques et d’assurances participatives contactés, le système participatif est aligné sur le conventionnel en termes de coût. Le surcoût est estimé au plus entre 0,4% et 0,5% du montant de financement. Et encore ! «L’assurance Takaful couvre le capital restant dû. Autrement dit, si le client décède, la banque abandonne sa marge bénéficiaire restante et se suffit de la couverture relative à la créance restant due», explique Issami. En tout cas, les banques et compagnies d’assurance ayant obtenu l’agrément poursuivent leurs efforts de recouvrer le stock existant et affirment n’avoir aucun mal à faire souscrire les nouveaux clients à ces contrats.
Une fois que tous les clients auraient adhéré à l’assurance décès invalidité et à la multirisque bâtiment, les banques devraient entamer la commercialisation des contrats d’investissement Takaful.

Quid du placement de l’épargne collectée ?

L’encours du financement participatif a atteint 22,5 milliards de DH à fin septembre. Il ressort en hausse de 16,6% par rapport au début de cette année. Depuis le début d’activité des banques participatives, la Mourabaha immobilier continue d’accaparer le gros du financement, avec une part de 83%. Son encours a donc atteint 16,7 milliards de DH au 3e trimestre. Et c’est justement ce montant que les banques participatives s’attellent à couvrir en assurance Takaful. Les statistiques concernant les primes collectées depuis juillet ne sont toujours pas disponibles. Cela dit, l’Association marocaine des professionnels de la finance participative (AMFP) avait estimé que l’activité Takaful devrait générer pas moins de 100 MDH en 2022. Encore faut-il que tous les clients jouent le jeu !
Maintenant que des banques participatives ont réussi à couvrir plus de 70% de dossiers de financement, quid des placements de cet épargne ? Il n’est nul besoin de rappeler que les instruments financiers de placement ne sont toujours pas disponibles. La seule émission de sukuk Ijara a été réalisée en 2018. Par conséquent, l’assurance collectée sera placée dans les dépôts d’investissement dont l’encours a totalisé 2,4 milliards de DH. Elle servira également dans le refinancement des banques participatives de la part de leur société mère ou d’une autre institution participative, à travers la wakala bil istithmar. Cette dernière, combinée aux dépôts à vue reçus des banques mères, ont atteint 7,4 milliards de DH. Tout l’intérêt de cet écosystème est, dorénavant, de créer des moyens de placement Sharia compliance, dans lesquels les compagnies d’assurance placeraient l’épargne des clients. Il en va de leur rentabilité !