Au Royaume
«Oua sir dîini»
Combattre la corruption ?
La loi ne suffit pas. Il s’agit d’abord d’être rigoureux
et de ne pardonner aucun écart, si petit soit-il.
LeMaroc est en passe de se doter d’une loi contre la corruption. Il était temps ! Selon un récent sondage de Transparency Maroc, publié dans nos colonnes (La Vie éco du 3 janvier 2004), la majorité des chefs de ménage et des patrons d’entreprises questionnés estime que la corruption s’est aggravée. Les ménages considèrent qu’elle constitue, après le chômage et le coût élevé de la vie, le troisième mal dont souffrent les Marocains. Les entreprises, elles, la voient comme le deuxième frein à leur développement, après les impôts.
Le projet de loi, qui sera mis dans le circuit d’adoption d’ici peu, a deux mérites. Le premier est qu’il clarifie les choses, en définissant les types de corruption, et en faisant le distinguo entre corrupteur, corrompu et complice. Le second est qu’il prévoit une gradation des sanctions en fonction de la situation et des personnes.
Avec cela, peut-on espérer meilleur classement que le 70e rang sur l’indice mondial de perception de la corruption ? Sans doute grignoterons-nous quelques points et cela, d’autant que l’Etat agit, en amont, pour éviter que se créent des situations propices à la corruption . La loi sur les marchés publics, l’affichage des tarifs des services fournis par l’administration, la Charte de bonne conduite imposé aux fonctionnaires et le projet d’administration en ligne réduiront, certes, l’ampleur du mal.
Mais il ne faut pas se faire d’illusion. La corruption est déjà réprimée par le Code pénal et, malgré cela, elle progresse. Elle progresse parce que, pour un responsable qui réagit, dix ferment les yeux sur les agissements de leurs collaborateurs parce que, estiment-ils, ils sont mal payés, «msaken»… Elle progresse parce que le citoyen ne se lancera pas dans une action judiciaire qui peut durer deux ans pour s’être fait délester d’un billet de 20 DH. «Oua sir dîini».
Le débat est là ! Avoir une loi c’est bien, l’appliquer c’est mieux. Si le fonctionnaire, le flic, le douanier… sont mal payés ce n’est pas au citoyen d’en supporter les conséquences.
Tant que le Maroc sera celui des faiblesses, de l’à-peu-près, et du consensus mou, la corruption le minera. A force de pardonner et de «sellek», toutes les bonnes intentions ont un goût d’inachevé.
Qu’on commence donc par être ‡rigoureux et par ne rien pardonner, même le plus petit geste, celui, par exemple, qui consiste à ne pas réclamer, par pudeur, sa petite monnaie quand on ne vous la rend pas au sein de nos chères moukataâs.
«Celui qui déplace la montagne, c’est celui qui commence par enlever les petites pierres»