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Au Royaume

Amal Cherif Haouat, DG d’Attitudes Conseil

Une baroudeuse dans le milieu très masculin du conseil aux entreprises. Dès le lycée, elle s’est démarquée par son militantisme en adhérant au mouvement du 23 Mars. Fondé avec peu de moyens, son cabinet réalise un chiffre d’affaires de 3 MDH par an et emploie une vingtaine de permanents.

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Amal Cherif Haouat 2012 01 13

«La reconnaissance du talent est le moteur de l’homme», avait écrit Emmanuel Kant. Amal Cherif Haouat, DG d’Attitudes Conseil et coach certifié, va passer une grande partie de sa vie professionnelle à la chercher et il faut croire qu’elle n’a commencé à en entrevoir les contours que lorsqu’elle s’est établie à son compte, en créant son cabinet en 2003.
Amal Cherif Haouat est née à Fès en 1961 dans une famille modeste. Sa mère est, comme il était de coutume, femme au foyer et son père encaisseur à la régie de distribution d’eau et d’électricité de la ville. Autant dire qu’elle est la représentante d’une bonne partie des Marocains, ce qui ne l’empêchera pas de revendiquer le droit de s’affirmer. Pour cela, elle n’avait d’autres moyens que les études. Mais là aussi, elle s’est voulue «différente». D’abord, parce que, dès le lycée, elle choisit de militer au sein du mouvement «23 Mars» qui a donné naissance à l’Organisation de l’action démocratique populaire (OADP), ce qui est un choix assez fort pour une femme mais aussi une manière d’afficher haut et fort des convictions d’égalité avec les hommes.
Après un Bac «économie» en 1980, elle veut aller en France. Peine perdue. Non seulement la famille n’avait pas les moyens, mais même avec une mention «Bien», elle n’a pu obtenir une bourse. Elle s’inscrit à la faculté de droit de Rabat mais son père ne voulait pas qu’elle devienne juge. Elle y obtient une maîtrise en droit privé, sa spécialité préférée à l’époque. C’est après cela qu’elle ira en France pour un troisième cycle. Là, elle semble piétiner quelque peu car après une année en criminologie, elle se réoriente sur un DEA en langues et civilisations. C’est là qu’elle croise le chemin de feu Mohamed Arkoune, historien et philosophe. Il sera son professeur et directeur de thèse (dès 1988) qui a porté sur l’image de la femme chez Al Ghazali et Ibn Hazm. Après cette période où elle se cherche, elle va aboutir à l’idée qu’il lui faudra faire une spécialité en fonction de la demande du marché du travail. Elle s’inscrit pour un DEA en économie à Paris III (Sorbonne nouvelle). Quand Amal Cherif Haouat débarque dans la vie active, en 1990, elle est recrutée par le ministère français des finances. Elle est affectée au 1er bureau des hypothèques où elle va entrer en contact avec le monde des notaires.
Elle restera fidèle au poste durant deux années avant de rejoindre la Banque Populaire du Maroc à Paris où elle s’est occupée du service crédit mais aussi des impayés. De retour au Maroc en 1994, elle fait un bref passage à la Fédération nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP).

Elle a commencé seule avec un capital de 10 000 DH

C’est ensuite le Centre marocain de la promotion des exportations (CMPE), rebaptisé Maroc Export, qui lui fait la proposition d’occuper un poste de chargée d’études et responsable du département «planification et recherche».
Il faut croire qu’elle s’y sentait bien ou, du moins, qu’elle y a appris beaucoup de choses puisqu’elle ne quitte le CMPE qu’en 1999. Elle reconnaît que cela a été une bonne école pour elle et qu’elle s’était frottée au monde des affaires et a pu constituer un réseau dès cette époque. Entre 1999 et 2002, on la retrouve à SMH Telecom où elle identifie les sites d’implantation de l’infrastructure télécoms, aussi bien pour le compte de Maroc Telecom que pour Méditel. L’ultime expérience avant de créer son entreprise sera le poste de déléguée générale de l’Association marocaine des femmes entrepreneurs (AFEM).
Attitudes Conseil est née en 2003 avec un capital de 10 000 DH. Elle va commencer à travailler chez elle avec pour seuls outils un portable et un fax. Amal Cherif Haouat ne cache pas qu’elle a eu de sérieux problèmes pour se frayer un chemin et s’affirmer dans le monde du conseil en entreprise. «J’ai galéré et contracté des crédits que j’ai eu un mal fou à rembourser. L’approche comportementale, l’accompagnement individuel et collectif, l’ingénierie et la formation, surtout en TPE et PME, ont eu du mal à s’implanter, et ce n’est que grâce aux programmes initiés par les organisations non gouvernementales internationales et quelques grosses associations que j’ai réellement décollé». Il est aussi vrai que dans ce secteur, il faut se battre jour et nuit pour se frayer un passage dans un milieu très masculin.

Son cabinet a décollé grâce à des programmes gouvernementaux

Effectivement, pour la première année, le chiffre d’affaires atteint à peine 70 000 DH. Mais grâce, entre autres, aux programmes de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPTT) et de l’Agence marocaine pour la promotion de la petite et moyenne entreprises (AMPME), et depuis 2010, au marché de formation des TPE orientées sur les activités génératrices de revenus (ANG), que lui a confié l’Agence du partenariat pour le progrès (APP) chargée de l’exécution du programme objet de l’accord Millenium Challenge Corporation signé avec les Etats-Unis, le cabinet décolle. Attitudes Conseil effectue également des missions pour le compte de la Fondation Banque populaire pour le micro-crédit.
Amal Cherif Haouat s’était, bien avant tout cela, occupée de la recherche de financements auprès du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) pour le 1er incubateur pour femmes porteuses de projets de création d’entreprise de l’AFEM.
Aujourd’hui, son cabinet emploie une vingtaine de permanents et fait appel à plusieurs experts pour faire face aux diverses missions. Le chiffre d’affaires, de l’ordre de 3 MDH, est prometteur. Comme quoi, la réussite est à ceux qui se montrent persévérants, peu importe le genre et la classe sociale.