Au Royaume
«Les identités meurtrières»
N’est-ce pas par un vote
tout ce qu’il y avait de démocratique que fut
porté au pouvoir celui qui,
de 1939 à 1945, transforma
l’Europe en un immense
et horrible cimetière ?
Les Suisses ont voté dimanche 29 novembre, à hauteur de 57%, contre la construction de minarets, ces tours de mosquées d’où le muezzin lance (généralement, mais pas forcément) les appels à la prière. Depuis, l’événement a débordé les frontières helvétiques ; surtout -hasard du calendrier ?- il est venu se greffer, chez le voisin hexagonal, sur un débat qui, déjà, fait des vagues : le débat sur l’identité nationale.
Nolens volens, il existe entre la «votation» suisse et le débat français sur l’identité nationale un point commun : la peur de l’autre. Sans aller jusqu’à dire que ceci a suscité cela, le fait d’organiser, officiellement qui plus est, un débat sur ce qu’est ou devrait être aujourd’hui un Français, alors que rien ne le justifie si ce n’est l’approche d’échéances électorales, semble indiquer que l’émigré, musulman de préférence, est perçu comme un intrus venu troubler la tranquillité des gens de souche. Au-delà des dénégations officielles, le lien entre identité nationale et émigration est évident (le débat est d’ailleurs porté, organisé et défendu par un ministre en charge des deux dossiers).
De la même manière, les Suisses, du moins ceux qui ont voté pour ce référendum, ont beau mettre en avant des considérations de cohérence ou d’esthétique architecturales pour justifier leur geste, l’argument ressemble à un cache-sexe. C’est bien l’Islam, à travers le minaret qui le symbolise, qui est visé.
S’il ne s’agissait d’atteinte aux droits de l’homme, comme vient de le souligner d’ailleurs l’Organisation des Nations unies (ONU), le référendum suisse susciterait au pire de la compassion pour ses initiateurs. Car, il renseigne assez sur leur ignorance de l’Islam, vite assimilé à une religion de terroristes assoiffés de sang ! Que des Chrétiens, des Bouddhistes ou tout simplement des athées aient commis, dans un passé récent ou lointain, les pires barbaries, qui veut bien s’en rappeler ?
Ce qui s’est passé dimanche 29 novembre dans la Confédération helvétique a, malgré tout, ceci d’intéressant qu’il confirme, s’il en était besoin, que le vote, aussi transparent et régulier soit-il, peut parfois conduire à des dérives. C’est heureusement rare et même exceptionnel, mais c’est tellement grave quand cela se produit. N’est-ce pas par un vote tout ce qu’il y avait de démocratique que fut porté au pouvoir celui qui, de 1939 à 1945, transforma l’Europe en un immense et horrible cimetière ?