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Au Royaume

A qui le tour ?

Il y a les vrais scandales que déterre la presse et qui font partie de sa mission. Il y a aussi les fausses accusations et les règlements de comptes qui sont en train d’achever le peu de crédibilité qui reste à  la profession.

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A qui le tour ? C’est la question que se posent aujourd’hui responsables publics et privés qui découvrent chaque matin dans les colonnes d’une presse devenue enragée des révélations et des photos sur des scandales ou présentés comme tel. Coup sur coup, cette semaine on a eu droit à une accusation de conflit d’intérêts portée contre un dirigeant d’entreprise privée et une autre de dilapidation de derniers publics à l’encontre d’un haut fonctionnaire. Point commun entre les deux affaires, les accusations sont fausses. Résultat prévisible, l’opinion publique ne retient qu’une chose : tous voleurs, tous pourris.

C’est devenu quasiment un sport depuis quelques mois. On prend une information véritable, on la sort de son contexte, on l’enrobe de quelques interprétations bien tournées, on conjugue le tout au conditionnel et on transforme cela en lynchage en règle sans même donner à l’accusé la possibilité de défendre son point de vue, non pas à travers une mise au point mais dans le numéro même où l’article est paru. Autre scénario, on livre en pâture à l’opinion publique des photos de ces personnes dans un contexte non professionnel, ou, pire, celles de membres de leur famille dans un but évident de la discréditer. Certes, dans tout cela, il y a du bon et du mauvais. Il y a aussi ces vrais scandales que l’on déterre, documents et chiffres à l’appui, et l’on peut s’étonner du silence coupable de cette justice que l’on veut indépendante et qui attend la réforme de la Constitution pour le devenir du jour au lendemain…comme par miracle. Mais le propos n’est pas là, il est dans le reste, la fausse information, le dénigrement. La presse est devenue le réceptacle des règlements de comptes. Question : à qui profite ce déballage ?

Le plus dangereux est qu’avec l’arrivée de la presse électronique et les réseaux sociaux, ces informations trouvent une amplification telle que même les voix des rares personnes qui osent se défendre se perdent dans le brouhaha assourdissant de l’information consommée, commentée et déjà périmée en quelques heures. Après, c’est trop tard !
L’explication, personne n’en veut parce qu’elle détruit le scoop, elle n’est pas assez sanglante pour faire de l’audience. Cela bien sûr quand on peut se défendre, car il existe aujourd’hui un vide juridique très dangereux: des organes de presse se créent sur le net sans être des entités morales, ni répondre aux nécessaires conditions de création d’une entreprise de presse. Qui poursuivre pour se défendre ?

Si la presse, aussi bien écrite qu’électronique, est nécessaire pour une démocratie et à plus forte raison en ces temps de changements historiques,  nombre de ses membres ne rendent pas service à la profession en la décrédibilisant. Nous sommes en train de creuser nos propres tombes.