Au Royaume
A chaux et à sable
Il faut rendre hommage à Baddou Zaki qui a su inculquer à ses protégés
l’abnégation, la solidarité et l’audace.
Quatre coups de patte qui envoient la sélection nationale de football sur les bords du sacre suprême, et tout un peuple chavire. Au coup de sifflet final de l’arbitre, hommes et femmes, vieux et jeunes, riches et pauvres, dans un même élan, ont investi rues et avenues, pour exprimer en chœur leur bonheur ; à l’unisson, leur fierté; ensemble, leur joie d’être ensemble.
Rarement, de mémoire de Marocain, une liesse n’avait atteint une telle altitude. Et voilà, par la magie d’heureux effets d’une balle aussi ronde que capricieuse, tout un peuple communiant, s’extasiant, se libérant, se réconciliant avec lui-même et prenant goût à l’avenir.
Ce qui légitime ce bonheur, c’est que les victoires célébrées n’ont pas été arrachées mais bâties à chaux et à sable. Certes, le Maroc dispose de joueurs talentueux, virevoltants, ingénieux, à l’image de Marouane Chamakh, Youssef Hajji ou Jawad Zaïri. Mais le talent, si éblouissant soit-il, tomberait à plat s’il n’était pas supporté par l’abnégation. Vertu que possèdent au plus haut point les Regragui, Ouaddou, Naybet, Kissi, Safri, et j’en passe. Autant d’hommes de devoir résolus à ne pas faire de l’ombre à leurs lumineux équipiers. Cela s’appelle l’esprit d’équipe, dont le corollaire est la solidarité. Une précieuse qualité que la sélection nationale a poussée à son paroxysme, puisque nous avons vu à maintes reprises des attaquants de pointe venir défendre leurs buts, et des défenseurs prêter main forte aux attaquants. Quand Talal Karkouri déserte sa défense pour monter à l’assaut de celle adverse ou qu’il tire de trente mètres, il fait montre d’audace, autre attrait de la sélection nationale.
Le talent, l’abnégation, la solidarité et l’audace, portés si haut, ne pouvaient que conduire l’équipe nationale à l’apothéose. Il faut rendre hommage à Baddou Zaki qui a su les inculquer à ses protégés, convaincu qu’une équipe se gère comme une entreprise. Et une entreprise, tout comme un gouvernement, ne peut réussir sans l’esprit d’entreprise, c’est-à-dire, sans talent ni solidarité ou audace.
L’économie ne se nourrit pas seulement de décisions froides et rationnelles mais aussi d’émotions, d’états d’âme. L’espoir, l’optimisme, l’euphorie sont des catalyseurs économiques de premier plan.
Il n’y a qu’à voir autour de nous. Durant les trois années qui ont suivi son succès en Coupe du monde, en 1998, la France s’est métamorphosée. Pourquoi pas nous ? Le catalyseur est là, reste la volonté.
