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Une couverture pour la procréation médicalement assistée

Au Maroc, plus de 900.000 couples sont concernés par l’infertilité. Hélas, bien souvent, ils sont dans l’incapacité de bénéficier d’une procréation médicalement assistée, dont le prix reste prohibitif. Mais les choses pourraient changer…

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Comme dit l’adage, mieux vaut tard que jamais : l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) planche, en collaboration avec les sociétés médicales savantes et le ministère de la Santé, sur un protocole thérapeutique pour la procréation médicalement assistée (PMA). «Nous avons accéléré la cadence de travail afin de mettre en place ce dispositif au cours de cette année», nous confie docteur Laila Ibn Makhlouf de l’ANAM. Il y a, en effet, urgence dans la mesure où ce protocole permettra une prise en charge de la PMA dont aujourd’hui seul le traitement médicamenteux est couvert pour les assurés de l’AMO par la CNSS et la CNOPS. La décision du remboursement de neuf traitements hormonaux avait été prise, rappelons-le, par le ministère de la Santé sur proposition de l’Agence nationale de l’assurance maladie.

900.000 couples concernés
Effective depuis janvier 2021, cette mesure, qui avait suscité un grand espoir aussi bien au sein de la communauté scientifique que chez les patients concernés par l’infertilité, n’a pas eu l’effet escompté. Et pour cause, il ne s’agit que d’une prise en charge partielle de la procréation médicalement assistée puisque, comme l’explique Aziza Ghanam, présidente de l’Association marocaine des aspirants à la paternité et la maternité (AMAPM), «l’acte médical lui-même n’est pas couvert, pas plus que les analyses biologiques. Globalement, il s’agit d’un coût variant entre 30.000 et 50.000 dirhams en fonction du cas à traiter». Un coût élevé pour les quelque 900.000 couples qui sont, selon les statistiques du ministère de la Santé, dans l’impossibilité d’enfanter. Le résultat n’étant pas garanti, bien souvent, le couple doit faire plusieurs tentatives. «Ce qui nécessite un budget conséquent dont souvent les patients ne disposent pas. Pour le financer, ils doivent recourir à la solidarité familiale ou bien faire appel à des crédits bancaires», regrette la présidente de l’AMAPM. Depuis 2019, l’infertilité est reconnue comme une pathologie, et en raison des problèmes économiques et sociaux qu’elle pose, les pouvoirs publics sont désormais conscients qu’il s’agit d’une question de santé publique. Preuve en est, la santé reproductive figure parmi les Objectifs du développement durable (le 3e objectif). Depuis 40 ans, le Maroc s’est surtout attelé à développer un programme de planification familiale mais seulement sous l’angle de la politique de la contraception, alors que l’infertilité a été reléguée au second plan. Une réorientation s’impose aujourd’hui, de l’avis des professionnels, en raison des besoins de la population. Selon les estimations des praticiens, 15% des couples en âge de procréer sont concernés par l’infertilité.

4.000 PMA par an au Maroc !
Le coût des solutions alternatives de procréation reste dissuasif. Ce qui explique la faiblesse du nombre de PMA recensées annuellement au Maroc. à peine 4.000 interventions sont effectuées dans les 14 centres de PMA, dont quatre seulement sont publics. La présidente de l’AMAPM appelle à «l’ouverture d’autres centres publics, car ils permettront, de par leurs tarifs, de traiter un plus grand nombre de couples. Le coût pratiqué dans le public est en effet 15% moins élevé que dans le privé». Tout comme elle appelle à une prise en charge par les compagnies privées d’assurance. «Un dossier qui n’est pas à l’ordre du jour à notre niveau», rétorque une source de la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurances (FMSAR).
Le Maroc reste ainsi, malheureusement, bien loin derrière des pays voisins qui ont pris ce problème à bras-le-corps.
A titre d’exemple, en Tunisie, les frais de la PMA, dont le tarif oscille entre 1.300 et 1.800 euros, sont totalement pris en charge par l’état. En France, elle est totalement prise en charge pour les moins de 43 ans avec une limite de 6 tentatives d’insémination artificielle et 4 FIV. En Belgique, la sécurité sociale couvre également la PMA sous les mêmes conditions que son voisin. Cependant, le patient doit verser un ticket modérateur de 50 euros couvrant les consultations, les échographies, ainsi que les prises de sang. Dans les deux pays, le prix d’une FIV s’élève à 1.800 euros. On est donc bien loin des tarifs pratiqués sous nos cieux. De quoi décourager la majorité des couples, d’autant que le taux de réussite ne dépasse pas les 30%.

Des protocoles et des coûts

Les couples infertiles peuvent recourir à l’insémination artificielle ou à la fécondation in vitro pratiquées dans les 14 centres de PMA publics et privés. L’insémination artificielle avec le sperme du conjoint est la technique la plus ancienne. Cette fécondation naturelle coûte environ 3.000 DH.
En cas d’échec, on recourt à la fécondation in vitro (FIV) qui est envisagée pour reproduire en éprouvette ce qui se passe naturellement in vivo. Après un traitement de stimulation, le praticien féconde artificiellement les ovocytes avant de les transférer dans la cavité utérine. Le coût facturé par les centres privés varie de 20.000 à 30.000 DH dont près de 80% couvrent les seules injections d’hormones qui sont censées stimuler les ovaires. La FIV ICSI (Injection intracytoplasmique de spermatozoïdes) est semblable à la FIV, à laquelle s’ajoute la prise en charge des défaillances morphologiques des spermatozoïdes. Cette technique se fait au même prix que la FIV classique. Le coût d’une FIV est de l’ordre de 15.000 dirhams et celui d’une FIV ICSI est de 18.000 dirhams.