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Transmission d’entreprises : les introductions en bourse pas du tout envisagées !
Il n’existe toujours pas de véritable marché ou de culture de transmission d’entreprises au Maroc. Selon les experts, l’entreprise familiale devrait dépersonnaliser sa gestion et son management. la mise en place d’une fiscalité encourageant la transmission d’entreprises est fortement recommandée.
Le cabinet d’audit, de conseil et d’expertise comptable BDO a publié la 3e édition de son baromètre sur la transmission des entreprises familiales en partenariat avec Maroc PME et avec l’appui d’InfoRisk et C&O Marketing. Cette étude effectuée auprès de 100 dirigeants d’entreprises a pour but d’apporter un éclairage sur la transmission des entreprises et susciter une réflexion pour la mise en place d’actions afin d’encourager et de faciliter le processus de transmission.
Ainsi, l’entreprise familiale semble plus «intégrer» le concept de transmission dans ses options stratégiques: 60% des dirigeants y sont ouverts contre 46% en 2011. La transmission est de plus en plus question de «nécessité» pour les cédants des entreprises familiales, mais pour les repreneurs elle reste une question de choix et surtout d’opportunités.
En effet, les motivations de cession diffèrent selon les dirigeants. Ces derniers décident de céder avant tout pour des raisons liées à la conjoncture du secteur d’activité ou pour saisir un bon deal (transaction financière). Dans ce contexte, les opérations de rachat avortées n’aboutissent pas d’abord pour des raisons objectives (mauvaise estimation de la valeur de l’entreprise et insuffisance de la préparation à la transmission), et ensuite affectives (attachement à l’entreprise)
La transmission d’entreprise se fait au profit d’un tiers ou d’un membre de la famille, mais aucune entreprise du panel n’a proposé l’introduction en bourse comme moyen de transmission. Ainsi, la vente à un tiers constitue le mode de transmission préféré de 57% des dirigeants d’entreprises interrogés, même au sein des entreprises familiales. La vente à un tiers est le plus souvent une alternative à un manque de relève motivée ou compétente, ou du fait de problèmes familiaux.
En termes de préparation à la transmission, à peine 1entreprise sur 10 a effectué ou envisagerait d’effectuer des changements dans l’entreprise en prévision d’une transmission. Les changements concernent d’abord une réorganisation-restructuration avec des procédures de gestion plus rigoureuses en termes de gestion des ressources humaines, finances, etc. Et dans une moindre mesure, l’assainissement des comptes et l’investissement (3 fois plus qu’en 2011). En face, 7% des «repreneurs» avaient entrepris une démarche spécifique ou une formation en vue de se préparer à cette reprise.
Globalement, le processus de transmission engendre autant d’appréhensions chez le dirigeant qu’en 2011 : 4 sur 10 le jugent difficile. Les problèmes avec les partenaires (clients / fournisseurs / banques / créanciers) et les difficultés internes à l’entreprise constituent les principales difficultés et appréhensions en 2016. Notons que l’année dernière, ce sont les relations cédant-repreneur qui étaient invoquées avec plus de récurrence.
Au vu de ces résultats, les experts locaux constatent que malgré une évolution constatée depuis 2009 et 2011, il n’existe toujours pas de véritable marché ni de culture de transmission d’entreprises au Maroc. Celle-ci est dans la majeure partie des cas plus subie (fatalité de la transmission familiale via l’héritage) qu’un choix véritable. Ainsi, les transmissions sont souvent mal ou pas du tout préparées et engendrent un risque sur la pérennité des entreprises.
Selon les experts, l’entreprise devrait dépersonnaliser sa gestion et son management. Passer progressivement de la gestion «intuitu-personae» à l’institutionnalisation et à la mise en place de règles de bonne gouvernance. Et ce à travers la délégation de gestion à des managers et la conduite d’audit de gestion annuels comme instrument de suivi et d’information. Des audits qui ne doivent plus être perçus comme un outil coercitif mais plutôt comme un instrument de bonne gouvernance pour l’amélioration continue de la gestion de l’entreprise ; et in fine de sa transmissibilité.
Toujours selon les experts, la mise en place d’une fiscalité encourageant la transmission d’entreprises (en excluant la spéculation) est fortement recommandée : limiter, par exemple, l’imposition sur la plus-value pour le cédant et offrir des avantages fiscaux pour les repreneurs d’entreprises en difficulté etc.
Pour leur part, les banques devraient mettre en place des mécanismes financiers idoines pour financer la reprise d’entreprises : des initiatives plus audacieuses de la part des établissements bancaires pour accompagner le processus ; proposer des taux d’intérêt attractifs et alignés sur ceux des emprunts à moyen terme souscrits par les entreprises pour leurs projets d’investissement ; limiter les garanties à demander aux repreneurs en prenant en considération les actifs de l’entreprise reprise…