SUIVEZ-NOUS

Argent

Toucher ses dividendes en actions : pas toujours une bonne affaire

Encaisser ses dividendes en numéraire aura constitué le meilleur choix lors des dernières opérations de conversion en actions proposées. La chute des cours des sociétés depuis le début de la crise en 2008 ne favorise pas cette option.

Publié le


Mis à jour le

dividendes en actions 2012 12 26

Ces dernières années, quelques unes des sociétés cotées à la Bourse de Casablanca ont proposé à leurs actionnaires de percevoir leurs dividendes, au moment du versement, soit en numéraire soit en actions. Cette pratique qui, disons-le, reste peu courante, consiste à offrir des actions à la place du dividende, à un prix de souscription qui présente une décote par rapport à la moyenne des derniers cours observés. Les actionnaires concernés ont ainsi le choix entre réinvestir leur rémunération sur la même valeur, s’ils croient notamment pouvoir la fructifier sur le marché, ou tout simplement d’encaisser immédiatement le dividende et l’affecter ailleurs.

En réalité, les sociétés cotées ne procèdent pas à ce genre d’opérations pour faire plaisir aux actionnaires ou leur permettre de se renforcer dans le capital, mais plutôt dans le cadre d’une augmentation de capital menée pour financer des investissements ou renforcer les fonds propres. Dans le cas du marché boursier marocain, ce sont surtout les banques, notamment BMCI, Crédit du Maroc et CIH qui ont recours à ce type d’opérations. On note à ce stade deux opérations pour le CDM, et une seule pour la BMCI et le CIH. L’objectif recherché est de renforcer les fonds propres pour se conformer aux exigences réglementaires imposées par Bank Al-Maghrib. A côté de ces établissements, l’assureur Atlanta et le distributeur automobile Auto Hall ont également opéré chacun une augmentation de capital par conversion de dividendes (dividendes exceptionnels pour le cas d’Auto Hall) en vue de consolider leurs fonds propres principalement.
Si ces entreprises y trouvent leur compte dans ce genre d’opérations, qu’en est-il pour l’investisseur ? Est-il préférable pour lui d’encaisser ses dividendes en numéraire ou de les convertir en actions ?

Tout d’abord, de la majorité des opérations de conversion menée ces dernières années, un constat se dégage : il est nettement plus préférable de percevoir ses dividendes en numéraire plutôt que de les convertir en actions. En effet, l’actionnaire peut perdre de l’argent dans la deuxième option. C’est le cas du Crédit du Maroc dans ses deux dernières augmentations de capital, d’Auto Hall, du CIH et d’Atlanta. Cela est dû principalement au contexte de morosité qui prévaut sur le marché boursier depuis le début de la crise en 2008 et qui n’a pas manqué de tirer les cours de ces sociétés vers le bas. Seul le cas de la BMCI qui montre que l’opération aura été fructueuse pour les actionnaires qui auraient opté pour la conversion, mais cela tient, entre autres, au fait que la banque avait proposé une décote intéressante par rapport au prix du marché.

A titre d’illustration, le Crédit du Maroc (CDM) a proposé, lors de son augmentation de capital en 2011, la conversion optionnelle du dividende relatif à l’exercice 2010 (27 DH par action) en actions dont le prix d’émission avait été fixé à 810 DH. La banque a ensuite reconduit l’opération cette année, en proposant une option de conversion du dividende versé au titre de l’exercice 2011 (28,8 DH par action) en actions à un prix de souscription de 699 DH. Dans les deux cas, le choix le plus juste aurait été de toucher son dividende en numéraire. En effet, si un actionnaire avait opté en 2011 pour la rémunération immédiate, il aurait touché 24,3 DH par action, déduction faite de la taxe sur le produit des actions (TPA). En 2012, le dividende net en numéraire se serait élevé à 25,9 DH. Par contre, en raison du trend baissier emprunté par le cours de la banque depuis la conduite de ces deux opérations, les actionnaires se seraient retrouvés avec un dividende amputé de 23,7% pour la première opération et de 11,9% pour la seconde, s’ils avaient conservé leurs actions jusqu’au 14 décembre dernier. Car, par rapport aux prix de souscription des deux opérations de conversion, le cours du CDM du 14 décembre est en baisse de 23,7% et de 11,9% respectivement (commissions d’intermédiation et autres prises en compte).
En fait, la baisse du cours de la banque est liée, outre la tendance globale du marché, aux résultats financiers en demi-teinte depuis 2011. Cette situation traduit clairement la concurrence acharnée que subit la banque, surtout dans un contexte de manque de liquidité et de la montée en flèche du coût du risque.

Des décotes pas toujours suffisantes pour rendre l’opération bénéfique

De la même manière, il aurait été préférable d’opter pour le dividende exceptionnel proposé au titre de l’exercice 2010, plutôt que pour la conversion en actions dans le cas d’Auto Hall, en raison là aussi de la dégringolade qu’a enregistrée le cours du distributeur automobile en Bourse. En effet, en optant pour le dividende, l’actionnaire aurait gagné 2,25 DH nets par action. Par contre, s’il avait choisi la conversion en actions, il perdrait 24,4% de la valeur de ce dividende pour ne percevoir, en cas de cession des nouvelles actions le 14 décembre, que 1,7 DH par action. Dans le présent cas, il faut dire que le prix de souscription fixé à 79,5 DH était déjà plus élevé que le cours réel en Bourse de la valeur, qui était de 70 DH à la date de la cotation des nouveaux titres au 30 décembre 2011. De plus, la faible progression des résultats affichés par le distributeur à fin juin (+1%) en raison de la contraction du marché des véhicules autres que particuliers, a limité la croissance du cours de la société en Bourse.

Atlanta et CIH présentent la même situation, même si elle est de moindre ampleur. La compagnie d’assurance a proposé le versement d’un dividende de 3,5 DH (3,15 DH nets) relatif à l’exercice 2008 ou une conversion de ce dernier en actions à un prix d’émission de 100 DH, soit une décote de 5% par rapport au cours prévalant à la date de cotation des nouvelles actions (17 juillet 2009). Si un actionnaire avait opté pour la 2e option et gardé ses actions jusqu’à aujourd’hui, son placement se solderait par une perte sèche de 42%, soit un dividende ramené à 1,84 DH. Notons par contre que si ce dernier avait cédé ses titres quelques jours suivant la date de cotation (à un cours de 104,5 DH en date du 18 août 2009, par exemple), il aurait empoché un dividende légèrement bonifié par rapport à l’encaissement immédiat.

La baisse du cours d’Atlanta en Bourse est imputable surtout à la mauvaise conjoncture par laquelle passe le marché financier depuis 2008 et qui s’est répercutée défavorablement sur le produit des placements de l’assureur. Ce qui n’a pas manqué d’affecter les résultats de la compagnie et, par ricochet, sa performance boursière.
Le CIH a, enfin, proposé à ses actionnaires une rémunération de 18 DH par action pour l’exercice 2008, qu’ils pouvaient convertir en actions à un prix d’émission de 306 DH, ce qui présentait une décote de 29,6% par rapport au cours de la date de cotation des titres nouvellement émis (28 septembre 2009, soit 396,64 DH). Dans le premier cas, l’investisseur aurait encaissé un dividende net de 16,2 DH par action. Dans le second, il aurait perçu un dividende ramené à 11,4 DH en cas de cession des nouvelles actions le 14 décembre. Si le cours de la banque s’est maintenu à un bon niveau au courant des années 2009 et 2010, porté par les efforts d’assainissement et de restructuration dans lesquels s’est engagé le CIH, la valeur a, à l’instar de ses consœurs, été rattrapée par la morosité du marché boursier et le ralentissement de l’activité bancaire marqué par le manque de liquidités, un coefficient d’emploi élevé et par l’accroissement des risques.

Finalement, convertir ses dividendes en actions doit tenir compte des perspectives du marché et de celles de la société. Dans l’état actuel des choses, ce serait risqué de réinvestir sa rémunération, sauf peut-être quand le prix de souscription proposé offre une décote importante par rapport aux conditions du marché.