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Téléboutique : ce que ça coûte, combien ça rapporte
Le chiffre d’affaires des téléboutiques a baissé ces dernières années, mais des exploitants continuent de gagner jusqu’à 30 000 DH nets par mois.
L’emplacement et l’existence ou non de téléboutiques
dans le voisinage sont les facteurs- clés du succès…
L’investissement initiale coûte près de 100 000 DH en dehors
du local.

Ouvrir une téléboutique était, il y a juste quelques années, une affaire très rentable. Certains exploitants bien situés réalisaient un chiffre d’affaires journalier dépassant 8 000 dirhams dans les années 2000-2001, soit plus de 240 000 dirhams par mois, ce qui leur laissait des marges nettes très confortables. Mais ces années fastes sont manifestement révolues. Avec l’explosion du mobile et la prolifération des téléboutiques, les marges ont beaucoup baissé et le business est devenu plus risqué. Néanmoins, la téléboutique reste une affaire intéressante si le projet est bien étudié au départ. Car même en l’état actuel du secteur, certains exploitants continuent de gagner jusqu’à 30 000 dirhams nets par mois.
Un rythme d’ouverture effréné…
Plusieurs facteurs expliquent la baisse du niveau d’activité des téléboutiques. Il y a en premier lieu le rythme d’ouverture de ces dernières qui a augmenté d’une manière fulgurante à cause de la suppression du chaînage (distance obligatoire de 200 mètres entre deux téléboutiques) et de l’entrée en 2004 d’un nouvel opérateur dans le secteur de la publiphonie, à savoir Méditel. Résultat : le nombre des téléboutiques a explosé. A fin 2006, elles étaient plus de 52 500 dont près de 45 000 pour Maroc Telecom et 7 560 pour Méditel. Rien que pour 2006, près de 3 000 «Méditéléboutiques» ont ouvert leurs portes. Aucune précision par contre pour celles de l’opérateur historique. Depuis un peu plus de trois ans donc, les téléboutiques poussant à chaque coin de rue, se partagent ainsi une clientèle de moins en moins nombreuse.
… et un accès facilité à la téléphonie fixe et mobile et une baisse des coûts
Le deuxième facteur qui a impacté l’activité de ces intermédiaires en télécommunications est l’accès de plus en plus facilité à la téléphonie fixe et mobile ainsi que la baisse des tarifs (illimité dans le fixe, installation gratuite de lignes, téléphones mobiles à partir de 100 dirhams, promotions de double recharge…). Ceci a poussé évidemment de nombreux Marocains à ne plus recourir aux téléboutiques. «Mon chiffre d’affaires a été divisé par trois en quatre ans», déplore le propriétaire d’une téléboutique dans le quartier Maârif à Casablanca. Même constat chez un autre qui a vu une téléboutique Méditel s’installer dans le même immeuble que lui et une autre ouvrir juste en face.
Tout est question d’emplacement
Cette situation peut laisser penser que ce business n’a plus d’avenir. Mais à en croire les deux opérateurs des télécommunications offrant ce concept, l’intérêt d’une téléboutique n’est pas près de disparître… De plus, il y a une volonté de maintenir l’attrait de ces petites entreprises. D’une part, parce qu’elles constituent un véritable canal pour la revente de communications participant ainsi à la formation du chiffre d’affaires des opérateurs, et, d’autre part, parce qu’il s’agit d’un secteur qui emploie quelque 100 000 personnes. Preuve en est, Maroc Telecom vient de baisser, le 1er mars, le prix des communications à partir des téléboutiques (de 50% vers le fixe, de 47% vers le mobile et de 57% vers certaines destinations internationales). Mais surtout, il a relevé la rémunération accordée aux exploitants sur la revente des communications de 36% à 40%. Et il n’entend pas s’arrêter là, puisqu’il compte «poursuivre ses actions d’encouragement et de développement de la pérennité de ce secteur».
Mais même s’il est devenu moins coûteux pour le public d’appeler des téléboutiques, et même si la marge des exploitants est importante, l’élément essentiel qui détermine le succès de ces entreprises est leur emplacement. En effet, il faut viser les quartiers populaires et les localités éloignées, là où les populations ont un faible pouvoir d’achat. Les emplacements à fort achalandage sont également intéressants. C’est ce que confirme le propriétaire de trois téléboutiques à Casablanca. Cet entrepreneur qui a intégré le secteur en 1996 déclare que le chiffre d’affaires peut passer du simple au double suivant l’emplacement. «J’ai une téléboutique dans une rue sur le boulevard 2 mars, une autre à Derb Ghalef et une troisième à Palmier. La première réalise un chiffre d’affaires d’à peu près 1 200 dirhams par jour, alors que celle de Derb Ghalef fait une recette journalière moyenne de 2 500 dirhams. Quant à celle de Palmier, elle ne dépasse pas 800 dirhams par jour» confie-t-il.
Outre la qualité de l’emplacement, il faut palier au risque de voir une autre téléboutique ouvrir à proximité immédiate. Pour cela, mieux vaut cibler un local à coté duquel il n’y a pas de locaux libres ou compatibles pour abriter des concurrents.
Ainsi, en fonction de la localité, le chiffre d’affaires des téléboutiques peut varier entre 800 et 4 000 dirhams par jour selon notre enquête. Un exploitant qui réalise 2 500 dirhams de recettes empoche 1 000 dirhams de bénéfice par jour (40% de la recette, un peu moins pour les téléboutiques Méditel), soit en moyenne 30 000 dirhams nets par mois. Et ce n’est là que le bénéfice émanant de la revente des communications. Il faut intégrer aussi les revenus des autres produits et services qu’une téléboutique peut offrir (voir encadré ci-dessous).
Bien entendu, il ne s’agit pas là d’un bénéfice net, puisqu’il faut retrancher plusieurs charges, à savoir essentiellement l’électricité, le salaire du gérant (entre 800 et 1 200 dirhams par mois), le loyer ou la traite du local, les réparations des taxiphones en cas de panne et finalement les impôts.
Bref, une téléboutique peut toujours s’avérer intéressante, surtout que c’est une activité qui ne nécessite pas une présence à plein temps du propriétaire, car ce dernier peut effectuer un contrôle a posteriori en se basant sur les factures mensuelles de l’opérateur. Une personne déjà active peut donc ouvrir une téléboutique, voire deux sans souci particulier.
En termes d’investissement, l’aménagement du local coûte, en fonction de son état, entre 5 000 et 15 000 dirhams, selon les estimations des exploitants. Pour les taxiphones, leurs prix étaient compris entre 15 000 et 25 000 dirhams l’unité il y a trois ans. Actuellement, ils peuvent être acquis à partir de 11 000 dirhams et ils existent même en occasion pour un prix d’environ 6 000 dirhams.
Au total, pour une téléboutique de six taxiphones, et en incluant le mobilier et les accessoires, il faut compter un investissement de près de 100 000 dirhams en dehors du local. La dépense est cependant plus élevée dans le cas d’une Méditéléboutique. Selon les affirmations de quelques exploitants Méditel, il faut verser la somme de 170 000 dirhams à l’un des distributeurs de publiphones agréés par l’opérateur en contrepartie de trois taxiphones, d’un ordinateur et de l’aménagement du local. Mais quel que soit l’opérateur, les propriétaires de téléboutiques interrogés estiment que le projet n’est intéressant que si le local appartient à l’exploitant. Autrement, la charge locative ou la mensualité du crédit atténuera la rentabilité de l’affaire.
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Pour ouvrir une téléboutique, il faut suivre un certain nombre d’étapes qui varient selon l’opérateur. Dans le cas de Maroc Telecom, il faut s’adresser à une agence ou une délégation de l’opérateur pour récupérer un formulaire de «demande d’autorisation». Après l’avoir rempli, signé et légalisé, il faut le déposer chez la délégation concernée accompagné d’un reçu de loyer ou d’une copie légalisée du certificat de propriété du local, d’une copie de la carte d’identité et d’une attestation d’immatriculation délivrée par la commune. Quelques jours après, l’opérateur dépêche un agent au local pour faire une étude de la superficie. Celle-ci doit être au minimum de 2,8 mètres par taxiphone. Un fois l’étude réalisée, le dossier complet est envoyé au siège de Maroc Telecom à Rabat, où une commission spéciale se réunit tous les trois mois pour étudier les demandes d’autorisation en instance. Le résultat de la commission est affiché par la suite sur un tableau au niveau de la délégation de l’opérateur et, en cas d’accord, une autorisation est envoyée à l’exploitant. Ce dernier dispose de trois mois, à compter de la date de réception de l’autorisation, pour l’aménagement de son local. Au-delà de ce délai, l’autorisation est annulée. Et au moment de la mise en service de la téléboutique, Maroc Telecom envoie un agent pour la réception des travaux et pour s’assurer que l’exploitant dispose bien d’un contrat de garantie, d’un contrat de maintenance, du mobilier et des accessoires nécessaires (chaises, annuaires…) et des factures d’acquisition du matériel. Dans le cas de Méditel, étant donné que l’opérateur a opté pour un modèle indirect d’accréditation des téléboutiques, il faut adresser une demande et négocier directement avec l’un des distributeurs agréés Publiphonie (Avephone, Callshop…). A ce jour, Méditel compte 18 distributeurs publiphonie. |
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Toutes les téléboutiques offrent une multitude de produits et services accessoires à coté de leur activité de revente de communications. Certains sont directement liés à la téléphonie, d’autres non. Le service le plus commun chez les téléboutiques est la recharge pour le mobile et le fixe. La rémunération des exploitants est de 6% sur le montant de chaque recharge pour Maroc Telecom et 5% pour Méditel. Ce service connaît un engouement dans les périodes de promotion. Des téléboutiques gagnent jusqu’à 200 dirhams par jour à travers les recharges. Il y a également d’autres services liés à la téléphonie qu’une téléboutique peut assurer, notamment le règlement des factures d’abonnement pour le mobile (1% sur le montant de chaque facture), la commercialisation des packs prépayés (10% sur chaque pack vendu) et même la commercialisation des abonnements et des forfaits (de 150 à 300 dirhams par abonnement). Les exploitants peuvent aussi commercialiser les accessoires pour téléphones mobiles (pochettes, chargeurs…). Outre ces services, une téléboutique peut vendre de tout : journaux, parfumerie, accessoires informatiques, confiserie, photocopie et fax… Le bénéfice journalier des produits accessoires peut varier de 200 et 600 dirhams. |
