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Quel avenir pour le métier de trader ?

Cette profession est peu connue du grand public. Au Maroc, les opportunités dans ce domaine se font rares compte tenu de l’étroitesse du marché. De nouveaux métiers de la finance vont apparaître avec le développement du secteur financier.

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Quel avenir pour le metier de trader

Entre success stories et scandales financiers à répétition, le métier de trader cultive une image sulfureuse auprès de l’opinion publique mondiale. Une poignée de clichés alimentée par un manque de connaissances sur les différents métiers du monde financier.

Si au Maroc, l’univers des golden boys est moins débridé, moins entouré de croyances et de mythes hollywoodiens, il n’en demeure pas moins que l’activité n’est pas entièrement assimilée par le grand public, notamment par les étudiants. Dans ce contexte, et afin de vulgariser le métier, analyser ses opportunités et ses obstacles, l’Institut supérieur d’ingénierie des affaires (ISGA) a organisé une table ronde autour du trading, ses facteurs de réussite et ses perspectives. Une conférence animée par Rachid Achachi, professeur chercheur, et deux opérateurs du marché financier, dont Omar Fassal, responsable développement de l’investissement à l’international à CDG Capital.

Qu’il soit dans une société de bourse, une société de gestion d’actifs ou dans la salle des marchés d’une banque, le trader est avant tout un négociant, capable d’effectuer ses transactions (achat/vente d’instruments financiers) à des prix lui permettant de dégager une marge pour le compte d’un client ou de sa propre structure. Mais à la base, il joue un rôle incontournable dans le fonctionnement d’une économie de marché, car «les opérateurs du marché mettent en relation les entreprises qui ont besoin de financement et les investisseurs qui veulent placer leur argent», affirme Omar Fassal.

Manque de liquidité, de volatilité, d’instruments financiers…

Toutefois, l’activité au Maroc en est encore à ses balbutiements. L’essor du trading est intimement lié à la liquidité du marché. Selon Thami Kabbaj, directeur general de TKL Trading School, «le trading nécessite un marché très liquide qui offre la possibilité de faire plusieurs opérations d’allers-retours. A l’instar du marché américain des devises, des futures, etc.». En effet, si le métier connaît un réel développement à l’échelle internationale, notamment en Europe ou aux Etats-Unis, c’est parce qu’il évolue dans un environnement propice marqué par une diversité de marchés et de produits ainsi qu’une forte liquidité et une grande volatilité. Des éléments qui font défaut à la place financière casablancaise jugée trop régulée, pauvre en instruments financiers et caractérisée par un manque de liquidité et une faible volatilité. Sur le marché actions, elle se limite à 10% (elle était de 6% avant 2013). «On n’encourage pas le trading parce qu’on n’encourage pas la volatilité», appuie un intervenant lors de la conférence.

Ces facteurs font que les offres d’emploi dans le domaine trading restent limitées alors que la demande ne manque pas, à en croire nos intervenants qui reçoivent constamment des CV en béton. Un manque d’opportunités qui pousse de plus en plus de candidats brillants à voler vers d’autres cieux pour exercer le métier de leur rêve. Notamment à Dubaï, à Paris ou encore Londres qui accueillent des Marocains fraîchement diplômés des grandes écoles françaises ou américaines. Mais aussi des traders séniors exerçant au Maroc et débauchés grâce à des packages de rémunération bien plus alléchants (voir encadré) et sans doute plus de marge de manœuvre et donc plus d’adrénaline ! Un manque à gagner pour la place marocaine, car les bons profils formés pour le trading sont rares.

L’intelligence émotionnelle compte beaucoup

En outre, l’accès à cette activité ne s’improvise pas. Une formation pointue (voir encadré) à elle seule ne suffit pas, le candidat doit de se démarquer par un bon nombre d’atouts pour percer dans ce domaine. «On n’attend pas d’un débutant toutes les connaissances techniques nécessaires. Celles-ci s’acquièrent au fil du temps. Ce que l’on cherche surtout c’est un tempérament», indique un trader de la place. En effet, le côté psychologique compte pour beaucoup dans ce domaine. «Réussir, c’est avoir une intelligence émotionnelle, du sang- froid pour être méthodique afin de mettre en place des stratégies et développer une règle automatique et régulière pour trader», ajoute-t-il. Le candidat doit aimer ce qu’il fait pour s’investir à fond. Il doit également être réceptif, réactif et à l’affut de l’actualité, afin de prouver son intérêt pour l’univers financier. «C’est une profession très exigeante mentalement, que l’on ne conserve pas toute sa vie», confie un opérateur du marché.

Un autre point tout aussi important consiste en l’adaptabilité. «Nous sommes dans un cadre où l’industrie change. A partir de 2017, tout le monde va se mettre à de nouvelles branches de la finance (finance participative, finance climatique). Même quelqu’un qui a réussi une très bonne formation dans une école prestigieuse sera complètement dépassé dans deux ans»,  ajoute M. Fassal.

Mais le métier de trading pourrait promettre un bel avenir si les conditions du marché s’y prêtent, à travers l’augmentation de la volatilité et de la liquidité du marché, via notamment l’élargissement du seuil de variation pour donner plus de marge de manœuvre aux opérateurs du marché. Aussi, «l’Etat doit jouer le rôle de catalyseur à la Bourse de Casablanca en renforçant les introductions des groupes d’envergure, à l’instar de Maroc Telecom ou de Marsa Maroc», atteste un intervenant. Les entreprises cotées, quant à elles, devraient communiquer mieux et plus, du moins plus de deux fois par an, pour dynamiser la place, renforcer la confiance des investisseurs et donc attirer plus de capitaux. Ces efforts profiteraient pleinement à l’activité, qui offrirait davantage d’opportunités de travail.

Ceci dit, si tous les candidats ne pourront pas démarrer leur carrière en tant que traders, ils pourront s’orienter vers d’autres métiers liés à la finance, non moins passionnants. En effet, de nouveaux métiers financiers devront émerger et promettent un bel avenir, dans un contexte financier qui se prépare à d’importantes mutations. Entre la démutualisation de la Bourse de Casablanca, le démarrage de la finance participative, le lancement du marché à terme, la mise en place Organismes de placement collectif immobilier (OPCI), ou encore l’émergence de Casablanca Finance City,qui positionne le Maroc en tant que plateforme financière incontournable en Afrique, attirant ainsi de plus en plus de multinationales de premier plan.

[tabs][tab title = »Qui peut devenir trader ?« ]Qui peut devenir trader ? Un génie des mathématiques, un financier hors pair ou un Chris Gardner autodidacte? Nous l’avons longuement développé dans l’article, le métier de trader ne s’improvise pas. En effet, de nombreux chemins mènent à la profession. La majorité de ceux qui travaillent dans les salles de marché ont fait leurs études dans les grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce qui proposent des spécialisations en finance, au Maroc mais surtout à l’étranger. Les traders qui évoluent dans les salles de marchés (devises, matières premières…), les départements obligataires ou dans la structuration financière sont plutôt ingénieurs de formation. Tandis que ceux spécialisés dans le marché actions, et la Corporate Finance sont issus des grandes écoles de commerce. Des formations complémentaires peuvent être envisagées, comme le CFA (Chartered Financial Analyst), un titre attestant mondialement de la maîtrise des connaissances en finance. Constitué de trois examens à un an d’intervalle, il est relativement long à obtenir, en particulier si le candidat travaille déjà. En revanche, il nécessite surtout d’acquérir des connaissances de manière individuelle, ce qui est de toute façon la norme en finance des marchés.[/tab][/tabs]

[tabs][tab title = »Roulent-ils tous sur l’or ? « ]Le salaire d’un trader se compose généralement d’une rémunération de base à laquelle on ajoute une rétribution annuelle proportionnelle aux profits réalisés. C’est l’un des métiers où c’est le plus facile de relier la rémunération à la performance, cette dernière étant chiffrable. Au Maroc, un trader débutant perçoit un salaire mensuel net de 8000 DH à 14 000 DH, en plus d’un bonus annuel variant de 3 à 9 mois de salaire. La rémunération variable joue donc un rôle très important dans le package global. Cette large fourchette se justifie par le fait que plusieurs éléments sont retenus pour fixer la rémunération d’un débutant. La qualité de la formation compte beaucoup dans la détermination du salaire : pour un même poste, deux individus ayant suivi des formations dans des écoles différentes percevront des salaires différents. «Une formation riche et étoffée permet à l’entreprise d’entrevoir un potentiel de développement du collaborateur plus important à long terme», atteste Omar Fassal. Un autre facteur qui fait varier la rémunération est celui de la taille de l’entreprise. A l’international, la rémunération variable sur une année a toujours dépassé la rémunération fixe. Mais avec la crise de 2008, le métier a subi une régulation afin de limiter le poids des bonus. En France par exemple, un trader junior gagne dès son embauche un salaire mensuel fixe, hors prime, d’environ 4 200 euros. Ce salaire peut doubler en deux ans s’il est performant. A Dubaï, un sénior avec une expérience de 5 ans à 10 ans, perçoit mensuellement (hors prime) jusqu’à 10000 dollars. Un débutant à Wall Street gagne environ un salaire mensuel de 7750 euros et un bonus autour de 180000 euros.[/tab][/tabs]