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Plans d’épargne entreprise : les spécialistes s’attendent à peu d’engouement
Ils déplorent la conjoncture défavorable de la bourse et l’insuffisance des incitations fiscales : exonération de la plus-value conditionnée par une durée de détention de 5 ans et un plafond de placement de 600 000 DH.

Les plans d’épargne entreprises (PEE) susciteront-ils un engouement auprès des salariés marocains ? A première vue, ces produits de placement que le gouvernement compte mettre en place dans le cadre de la Loi de finances 2013 ne devraient pas connaître beaucoup de succès, selon les professionnels du marché contactés. Un directeur d’une société de bourse de la place explique : «D’un côté, la conjoncture actuelle sur le marché boursier ne se prête pas au lancement de ce type de produits. De l’autre, le gouvernement n’a pas pris assez de temps pour étudier la faisabilité du projet. Les différents plans d’épargne existants ont déjà été mis en place à la hâte et ils n’ont pas attiré les épargnants malgré l’avantage fiscal proposé». Un autre opérateur du marché soutient cet avis : «Il ne faut pas s’attendre à un engouement particulier pour les PEE. Les incitations fiscales proposées ne sont pas suffisantes pour promouvoir l’épargne des salariés et la diriger vers le marché actions. Des mesures plus attractives dès la souscription à ces plans seraient salutaires et pourraient intéresser davantage les salariés».
Pour sa part, un autre directeur évoque la durée de détention des titres qui est assez longue dans le contexte actuel. «Il est vrai que la norme en matière de durée de détention des titres pour bénéficier des avantages fiscaux est de cinq ans, à l’instar de ce qui se pratique en France ou en Tunisie par exemple, sauf que le gouvernement aurait pu fournir plus d’efforts en réduisant la période à trois ans par exemple, ce qui serait évidemment plus encourageant».
Il faut savoir que les PEE existent déjà sur le marché marocain à travers les filiales marocaines des groupes étrangers. A ce titre, 38 opérations pour encourager l’épargne salariale ont été réalisées sur le marché marocain de 2004 à 2011. 36 d’entre elles ont été effectuées par augmentation de capital des sociétés émettrices, contre deux seulement par cession des parts. On trouve parmi ces sociétés BNP Paribas à travers sa filiale BMCI, Vivendi à travers Maroc Telecom, Veolia Environnement, Nexans, Axa, Société Générale…
Ceci dit, ces opérations n’ont pas enregistré un taux de participation élevé de la part des salariés marocains, note une source du marché, le CDVM ne disposant pas de chiffres exacts à propos du nombre de salariés des filiales marocaines ayant participé aux plans d’épargne entreprise dans le cadre des opérations des maisons mères étrangères. En revanche, on peut d’ores et déjà conclure, à travers les professionnels contactés, que les plans d’épargne ne constituent pas la solution d’épargne par excellence des employés. Il n’y a qu’à voir le flop enregistré par les plans d’épargne défiscalisés mis sur le marché depuis janvier 2011 pour s’en convaincre : les plans d’épargne actions, logement et éducation n’ont drainé que moins de 40 MDH un an après leur lancement. En cause, «la morosité actuelle du marché boursier qui limite les opportunités de placement, d’une part, mais aussi la faiblesse des avantages fiscaux accordés, de l’autre», déduit ce professionnel du marché.
Pour précision, les plans d’épargne entreprise (PEE) constituent un moyen d’épargne collectif qui permet aux salariés de l’entreprise, avec son aide éventuelle, la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières sur le marché actions notamment. Les PEE sont censés mettre à la disposition des salariés d’une entreprise, surtout ceux en mal de trouver des ressources financières suffisantes, des moyens supplémentaires en vue d’investir sur le marché boursier. En parallèle, ils ont pour but d’apporter une bouffée d’oxygène à la bourse qui souffre depuis plusieurs années d’une faible liquidité.
Cela ne va pas sans dire qu’il existe des avantages fiscaux non seulement en faveur du salarié, mais aussi de l’entreprise. En effet, les revenus générés par les PEE sont totalement exonérés d’impôts et taxes y afférents à condition que la durée de détention dudit plan soit égale à cinq ans au moins. Du coup, les plus-values réalisées à travers les opérations en bourse devraient être réinvesties dans le plan d’épargne. Autrement dit, le salarié perd tout avantage fiscal au cas où il liquide son épargne avant l’échéance. Autre condition relative aux PEE : le montant des versements ne doit pas dépasser 600 000 DH sur sa durée de détention.
Du côté de l’entreprise, si celle-ci décide d’aider son employé à constituer les fonds nécessaires pour épargner dans un PEE, elle bénéficiera également d’une carotte fiscale. Toutefois, cet avantage demeure conditionné par un abondement dans la limite de 10% du salaire annuel imposable de l’employé.
D’une manière générale, en attendant le vote de la Loi de finances 2013 et les décrets d’application des PEE, les modalités de fonctionnement ainsi que le plafond de versement annuel n’étant pas encore précisés. «Il est dans l’intérêt du gouvernement de revoir les conditions de base et de prévoir plus d’avantages tant à l’épargnant qu’à l’entreprise pour rendre ce type de plans attractif», conclut un professionnel.
