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Placements verts : Entretien avec Abdelmalek Benabdeljalil, Directeur BMCE Capital Markets
Abdelmalek Benabdeljalil : «Un travail de standardisation devrait se faire du côté des émetteurs».

Depuis leur lancement en 2016, les greens bonds suscitent-ils l’intérêt (escompté) du marché ? Quel est le bilan de ces deux années ?
Le marché obligataire des green bonds a été lancé au Maroc en 2016 et enregistre une relative dynamique comme l’illustre une série d’émissions durant les deux dernières années. C’est ainsi que la première émission en format appel public à l’épargne a été réalisée par BMCE Bank Of Africa pour un montant de 500 MDH, suivie d’un placement privé de MASEN de 1,15 milliard. Par la suite, le secteur bancaire a enregistré en 2017 une émission en devise de la BCP d’un montant de 135 millions d’euros, suivie d’une émission du Crédit agricole du Maroc pour 500 MDH. Cette dynamique s’est maintenue durant l’année 2018 avec une récente émission en placement privée de CFC (Casablanca Finance City) pour un montant de 355 MDH.
Est-ce que les investisseurs marocains sont assez sensibilisés aux «green issues» pour se placer sur ce type d’instruments ?
Il s’agit d’un nouveau marché dont l’encours de la dette est relativement faible dans les portefeuilles obligataires. Ce type d’instrument est appelé à se développer davantage dans la place financière marocaine, étant donné le besoin des fonds à thématique verte d’incorporer une dimension environnementale dans leurs investissements et aussi de diversifier leur périmètre d’investissement. Cependant, les investisseurs et émetteurs suivent de près l’évolution de ce marché. A ce titre, un guide a été rédigé par l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), avec le soutien d’International finance corporation (IFC). Le but est de favoriser l’émergence du marché des green bonds sur la place financière marocaine. En effet, ce guide est nécessaire et vise la clarification des rôles et des exigences associés à ce type d’instrument financier. De leurs côtés, les émetteurs souhaitant émettre des green bonds trouveront dans ce guide une synthèse des principes et des règles à respecter. Quant aux investisseurs marocains, ils y trouveront aussi des informations importantes permettant de mieux cerner ce nouveau type d’instrument.
Qu’en est-il des investisseurs étrangers, font-ils des placements verts au Maroc ?
A ce stade d’évolution, le marché des green bond n’a enregistré qu’une seule émission en devise sur une maturité 10 ans, à savoir celle de la BCP qui a été souscrite par deux investisseurs étrangers pour un montant global de 135 millions d’euros.
Quel type d’émetteur s’intéresse à l’endettement vert, et quel est l’intérêt pour lui? Est-ce plus une question d’image ?
Si on analyse le profil des émetteurs marocains qui ont fait appel à ce type de financement, on trouve principalement les banques marocaines qui cherchent à financer des projets verts. Les fonds levés à travers ces émissions sont destinés principalement à refinancer des projets d’énergie renouvelable avec des objectifs précis et des avantages environnementaux. L’intérêt de ce type d’émission est de fabriquer un mécanisme de financement durable pour que les banques marocaines prennent en charge les investissements à long terme sur des actifs verts tout en canalisant l’argent institutionnel privé vers la finance climatique via les marchés financiers.
Que reste-t-il à mettre en place pour développer ce marché ?
Nous pensons que du côté émetteur un travail de standardisation devrait se faire dans la mesure où il faut une définition commune du green bond afin de fixer les critères d’éligibilité des projets et l’affectation des montants levés et, enfin, de mesurer l’impact environnemental ou social des projets financés. Cela permettrait aux investisseurs de réaliser des arbitrages en fonction de l’impact des différents projets verts. Le deuxième levier consisterait à convaincre davantage d’industriels d’émettre des green bonds pour financer les projets d’efficacité énergétique.
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