Argent
Placement : Quelles opportunités pour fructifier son épargne ?
Si les produits à rendement fixe deviennent les mal-aimés des gestionnaires de patrimoine, ces derniers n’ont jamais été aussi partagés sur les meilleures opportunités de placement. L’inflation et son corollaire, la hausse des taux, chamboulent les stratégies d’investissement.

Il y a quelques années, demander à un gestionnaire de patrimoine d’optimiser un placement financier était chose, plus ou moins, aisée. Cela dépendait, entre autres facteurs, de l’aversion au risque du client, de sa durée de placement et du rendement moyen espéré. Ce n’est plus le cas actuellement. Le contexte actuel est tellement délicat que ces mêmes gestionnaires trouvent leurs tâches élémentaires, compliquées.
La crise sanitaire est l’élément déclencheur de ce chamboulement, puisque plusieurs personnes se sont désintéressées des produits de placement, préférant garder leur argent disponible, pour faire face à d’éventuels imprévus. S’est ajouté à ce contexte la guerre ukraino-russe qui, de son côté, a entraîné plusieurs bouleversements, tant au niveau des prix que des approvisionnements.
La situation est telle que le Maroc fait les frais d’une inflation forte (7% en juillet), que les taux sont sous pression et que les rendements des placements, aussi intéressants peuvent-ils paraître, ressortent réellement négatifs si on en déduit le résultat de l’inflation. Pour ne rien arranger, un manque de visibilité aigu règne sur ce contexte, que ce soit sur le plan de l’étendue de cette guerre et de ses conséquences économiques ou sur les décisions que devraient prendre les autorités pour faire face aux effets de cette inflation.
Toutes ces conditions réunies mettent à mal nos gestionnaires. A la question «où placer son argent dans ce contexte inflationniste», la réponse n’est pas unanime.
Effet d’éviction
Pour commencer, fini le temps où le privilège était donné aux produits à rendement fixe comme les dépôts à terme ou la bancassurance. Le taux de rendement des comptes bloqués est de 2,38% sur 12 mois et de 2,04% sur 6 mois, s’inscrivant sur une tendance baissière. Et encore ! Ces taux restent une moyenne pondérée de Bank Al-Maghrib. Sur le terrain, ces taux vont de 1,25% à 2% auprès de certaines banques. De quoi y décourager le placement! D’ailleurs, l’encours des DAT a reculé en 2019 de 5,4%, a accentué sa baisse en 2020 de 11,7%, pour augmenter légèrement de 0,4% en 2021 et rechuter encore une fois de 8% à fin juillet de cette année. «Il est clair qu’un effet d’éviction est créé au profit notamment des placements courants ou des OPCVM», constate un gestionnaire de la place. En effet, les ressources à vue, elles, ont affiché une hausse de 5,5% en 2019, de 10,5% en 2020 et 7,7% en 2021 et de 2,4% sur les 7 premiers mois.
De leur côté, les produits de bancassurance, bien qu’ils offrent un taux de rendement autour de 3%, ne sont pas recommandés, à moins que l’investisseur ait un horizon de placement long, pour pouvoir bénéficier des exonérations fiscales qu’ils offrent. «En cas de changement de donne, de hausse des taux, de redressement du marché actions…, l’investisseur s’en trouvera les bras liés puisque la sortie bridera son capital initial, avec tous les frais et pénalités de sortie qu’il faut débourser», prévient notre gestionnaire.
En excluant ces deux produits de placement, à rendement garanti par excellence, que reste-t-il ? Il n’est pas sans savoir que le marché financier est limité en termes de produits. L’arbitrage se fait rapidement entre le marché actions, les OPCVM avec leurs différentes classes d’actifs, l’immobilier ou encore l’or.
Pari risqué ?
Si l’on tient compte de l’horizon de placement, un gestionnaire recommande : «A court terme (6 mois) le cash est à privilégier, autrement dit, les placements liquides et de court terme, de sorte à garder son argent disponible au cas où une autre opportunité plus intéressante se profile à l’horizon. Allusion faite aux OPCVM monétaires et d’échéance courte». Si les premiers offrent un rendement actuel de 6%, les seconds, eux, en proposent 13%. Toutefois, techniquement, si une augmentation des taux se produit, le rendement des anciens actifs détenus devrait s’amenuiser. En fait, «la situation monétaire ne justifie pas un relèvement du taux directeur, puisque l’inflation n’est pas d’origine monétaire. Mais elle est devenue endémique et le nécessite, quitte à sacrifier la croissance. L’objectif est d’éviter de tomber dans une situation de stagflation», estime un gérant de portefeuille. Il faut dire aussi qu’une hausse supplémentaire des taux est attendue, compte tenu des exigences de rendements des investisseurs, surtout sur la partie longue de la courbe (voir notre édition précédente). S’il y a un autre élément qui entre en jeu, c’est bien l’Eurobond qui aura pour échéance novembre prochain. «Deux scénarii se dessinent pour le Trésor : renouveler son émission sur le marché international ou se retourner vers le marché local. Si l’argentier opte pour le deuxième choix, il n’aura d’autre alternative que de céder à la pression des investisseurs et de confirmer la hausse», affirme notre source. Combinant ces éléments, investir actuellement dans le monétaire et l’obligataire de court terme semble un pari risqué et ne peut servir qu’à garantir la sécurité de l’argent placé.
A moyen et long terme, notre premier gestionnaire de patrimoine privilégie d’investir dans le marché actions et l’immobilier notamment. Il explique : «Trois drivers sont à considérer dans le stock picking : la politique monétaire des banques centrales, la guerre et ses conséquences en terme de renchérissement des prix et l’évolution de la parité dirham/dollar». Au 6 septembre, le MASI rentabilité brut, indicateur principal du marché actions, incluant aussi bien la performance que le rendement du dividende, a clôturé la séance sur une contre-performance annuelle de 6,4%. L’actif sous gestion des OPCVM actions, lui, a reculé de 9,92%. Saisir les opportunités d’un marché baissier revient à sélectionner certains titres et en éviter d’autres. Dans ce contexte, notre gestionnaire recommande d’éloigner les sociétés qui subissent la hausse des matières premières, sans pourvoir en répercuter le coût sur le prix de vente, à l’instar de Cosumar et Colorado. Il conseille d’éliminer également celles dont le dividend yield est faible, à moins qu’elles soient promises à une croissance intéressante comme Label’Vie, HPS et Managem. De facto, il considère de prendre en compte dans son portefeuille de placement les valeurs qui devraient encore refléter le coût d’achat des matières de base sur les prix à la commercialisation telles que Sonasid, Aluminium du Maroc, SNEP…, ainsi que les sociétés exportatrices en Dollar dont essentiellement HPS.
Picking list
Le placement dans l’immobilier est évoqué par les gestionnaires contactés, non dans le béton, mais plutôt dans la pierre papier. A ce titre, «les OPCI ou les foncières représentent un bon compromis dans une situation pareille, où les rendements se situent entre 6% et 8%. Même les institutionnels préfèrent investir dans les produits de partenariat public-privé avec des taux de rendement de 4,5 à 5% plutôt que le marché actions ou les bons du Trésor», ajoute un professionnel.
Reste un autre type de placement, qualifié de refuge contre l’inflation. Il s’agit de l’or dont la vocation est de préserver son placement. Cela dit, placer son argent dans l’or physique n’est plus intéressant vu la hausse des prix qu’il a subi concomitamment avec la hausse du dollar. Actuellement, le gramme se négocie en moyenne à 500 DH. Détenir l’or papier, à travers un fonds, pourrait s’avérer attrayant, mais reste tributaire de l’évolution du dollar. Le fonds Attijari Gold de Wafa gestion affiche une progression de près de 8% depuis le début de l’année.
S’il y a une conclusion à tirer en terme d’optimisation de son placement, c’est bien de considérer les placements de très courte durée, de sorte à pouvoir les liquider rapidement en cas de présence d’autres opportunités d’investissement plus rentables. Dans le cas de figure où l’horizon de placement est de durée moyenne à longue, le marché actions est à privilégier tout en mettant l’immobilier au top de la picking list.
Crytomonnaie : L’investissement prend de l’ampleur malgré son interdiction
Alors que l’investissement dans les monnaies numériques a pris son envol dans les pays développés, il n’en est même pas encore à ses débuts au Maroc, du moins officiellement. Pourtant, le volume d’échanges en bitcoïn au Maroc, se chiffre à 6 millions de dollars, soit le plus élevé d’Afrique. Le pays s’adjuge la 4e position dans le continent, avec plus de 900 000 personnes possédant des cryptomonnaies.
Un projet de réglementation des crypto-actifs est toujours en cours d’élaboration par Bank Al-Maghrib et autres parties prenantes afin d’encadrer ce placement et d’éviter les risques de détournement de cet investissement vers le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Entre-temps, les cryptomonnaies atteignent des sommets, à 20 000 dollars pour le bitcoïn et 1700 pour l’etherum, les deux principales monnaies virtuelles échangées dans le monde.
