Argent
Ouvrir un bureau de change : une affaire toujours rentable
Un bureau de change bien situé peut générer un chiffre d’affaires de 52 000 DH par mois.
La caisse ne doit pas excéder la contre-valeur en devises de 250 000 DH par jour.
Les bureaux de change se multiplient dans tous les quartiers et toutes les villes. Il y en a même qui ont ouvert des succursales. Ce qui a permis cette expansion, c’est l’augmentation de la demande des particuliers qui, souhaitant acheter ou céder des devises étrangères, optent davantage pour ces cambistes que pour les banques. Plus avertis qu’auparavant, ils sont conscients que, généralement, le taux de change appliqué par les agences bancaires est plus élevé que celui proposé par les bureaux de change. Par exemple, le 20 juillet, un euro coûtait 11,15 DH à l’achat auprès d’une banque alors qu’un bureau de change le proposait à 10,90 DH. Pour attirer la clientèle, ces bureaux préfèrent concéder des baisses de quelques centimes, tablant ainsi sur un effet volume. Autre facteur expliquant l’augmentation de la demande : le relèvement du plafond de la dotation touristique des voyageurs marocains, fixé actuellement à 40000 DH par an contre 20 000 DH auparavant. Les bureaux de change peuvent aussi fournir la dotation d’émigration et scolarité (25000 DH par an) et celle des missions professionnelles des employés du secteur public (2 000 DH par jour dans la limite de 20000 DH par voyage). Ils ne sont, par contre, pas autorisés à céder des devises pour les voyages d’affaires du secteur privé, pour le Hajj et l’Omra. Notons que les dépenses de voyage à l’étranger des Marocains ont atteint 12 milliards de DH en 2014 contre 11 milliards en 2013 et 10,2 milliards en 2010.
Tout cela pour dire que malgré l’augmentation de leur nombre, les bureaux de change rapportent toujours bien. Par exemple, un bureau de change bien situé de 20 m2, ayant nécessité un investissement de près de 1,7 MDH, peut dégager en début d’activité un bénéfice net d’environ de 250 000 DH par an.
Néanmoins, l’ouverture d’un bureau de change doit se faire dans le respect d’un cahier des charges détaillé élaboré par l’Office des changes, précisant aussi bien les caractéristiques du local et des équipements nécessaires que les exigences du gérant et du personnel et les documents à conserver pour les opérations courantes. Aussi, les propriétaires des bureaux de change contactés affirment se heurter à certaines difficultés, notamment dans l’approvisionnement en devises. «Il nous est impossible d’acheter des devises directement auprès de Bank Al-Maghrib. En cas de besoin, il faut absolument passer par les banques ou d’autres intermédiaires. Ceci ne joue pas en notre faveur puisque ces derniers appliquent des marges sur leur cours d’achat. Ce qui réduit automatiquement la nôtre», explique l’un d’entre eux.
En tout cas, il faut savoir que pour se lancer dans cette affaire, la réglementation exige un capital minimum, pour les personnes physiques, de 1MDH (ce capital minimum était de 500 000 DH avant 2013), qui doit être entièrement souscrit, libéré et bloqué auprès d’une banque (2 MDH pour les personnes morales). Et selon le cahier des charges de l’Office des changes, le local doit avoir une superficie minimale de 12 m2 avec un seul accès et être dédié exclusivement à l’activité de change manuel. De plus, il doit être situé au rez-de-chaussée et respecter une politique de chaînage de 100 m vis-à-vis de tout bureau de change voisin. Une fois le local répondant à ces caractéristiques trouvé, le propriétaire devra procéder aux aménagements nécessaires (installations électriques, préparations pour caméras et alarme, internet, séparation entre le personnel et les clients et entre le gérant et le personnel…) pour un montant estimé à 80 000 DH. Vient ensuite la phase équipement. Pour cela, l’Office des changes a énuméré un certain nombre d’appareils devant obligatoirement être disponibles dans le local.
Un chiffre d’affaires moyen équivalent à 10% du montant des opérations de change traitées
Ainsi, il doit inclure un tableau d’affichage des cours des devises (5 400 DH), une machine compteuse de billets de banque (10000 DH), un détecteur de faux billets (800 DH) et un coffre-fort (6 000 DH). Cela, en plus d’un ordinateur (5 000 DH), d’une imprimante (10 000 DH), d’une copieuse, fax et téléphone à 5 000 DH et de caméras et alarme à 25 000 DH. Par ailleurs, l’ordinateur doit être équipé d’un logiciel agréé par l’Office des changes servant à traiter les opérations quotidiennes, à la gestion du bureau de change et à l’établissement des reportings (10 000 DH). Notons que ce logiciel est directement connecté au service concerné de l’office, permettant ainsi un contrôle quotidien des opérations de change. Enfin, le local doit absolument disposer d’une enseigne fixée à l’extérieur comportant la mention «Bureau de change» écrite en français, en arabe et en anglais.
Pour faire connaître son bureau de change, il n’est pas nécessaire de prévoir un gros budget communication. Le bouche-à-oreille fera l’affaire, de même que la distribution de quelques flyers dans le quartier pour un budget de 20 000 DH. Aussi, il faut disposer d’un fonds de roulement de 500 000 DH pour commencer idéalement l’activité.
Dès l’ouverture du bureau, le propriétaire commence à supporter les charges récurrentes, à savoir le loyer, la masse salariale et les frais de service. Dans notre modèle, on a supposé un local d’une superficie de 20 m2 dans une avenue centrale d’une ville principale, pour un loyer mensuel de 5000 DH. La masse salariale, elle, devrait s’élever à près de 13 000 DH par mois. Sur ce point aussi, la réglementation exige un personnel qualifié dont un gérant et au moins un guichetier. Ainsi, le gérant doit avoir fait 3 années d’études supérieures au minimum ou bien disposer d’un baccalauréat plus 5 années d’expériences dans les domaines liés au secteur financier. Pour sa part, le préposé au guichet doit avoir un niveau baccalauréat. Dans notre exemple, le propriétaire est lui-même le gérant (ce qui est généralement le cas sur le terrain) et le local compte 2 préposés au guichet à un salaire mensuel de 5 000 DH, en plus d’un agent de sécurité pour un salaire de 2 500 DH. La masse salariale annuelle s’élève donc à 156 000 DH. En ajoutant les frais de service (électricité et internet) pour 2000 DH par mois et les dépenses diverses liées surtout aux fournitures de bureau pour 2 500 DH mensuellement, les charges annuelles se montent à près de 270 000 DH.
Le revenu des bureaux de change est dégagé uniquement de la différence entre les taux de change d’achat et de vente des devises. Pour rappel, ces agences ne peuvent acheter des devises auprès de Bank Al-Maghrib. Leurs fournisseurs sont la clientèle, pour les devises les plus fréquemment échangées et les banques et autres intermédiaires. Les propriétaires de bureaux de change contactés estiment que, pour un montant de 10000 DH échangés, un gain de 100 DH est empoché en moyenne, toutes devises confondues. Un bureau de change bien situé peut échanger la contre-valeur de 200000 DH par jour. Ce qui laisse une marge de 2000 DH quotidiennement, soit un chiffre d’affaires de 52000 DH par mois. Ainsi, avec des recettes annuelles de plus de 620 000 DH, le bénéfice avant impôts s’élève à 354 000 DH. En déduisant l’impôt sur les sociétés (30%), l’affaire rapporte un bénéfice net de près de 250000 DH, soit une marge nette de 40%.
Il y a lieu de noter que les devises les plus échangées restent l’euro à hauteur de 70%, suivi du dollar et de certaines devises des pays du Golfe occasionnellement. Les bureaux de change peuvent réaliser autant de transactions qu’ils souhaitent. Mais, en fin de journée, la caisse doit contenir un montant inférieur ou égal à la contre-valeur en devises de 250 000 DH. Tout excédent doit être cédé à une banque de leur choix avant 17h du jour suivant. De plus, pour les opérations qui dépassent la contre-valeur de 100 000 DH, les bureaux de change sont tenus de transmettre à l’Office des changes l’identité du client ainsi que le bénéficiaire effectif pour le compte duquel l’opération est réalisée, que celle-ci soit effectuée en une ou plusieurs fois. De même, ils sont tenus de conserver pendant une période de 10 ans l’ensemble des documents relatifs aux opérations de change, et ce, en vue de faciliter les contrôles de l’office.