SUIVEZ-NOUS

Argent

Marché actions : Retour d’espoir ?

Les dernières précipitations ont eu un effet positif sur les investisseurs en bourse. Mais le volume échangé reste très faible et étriqué. L’année sera certainement négative, avec une contre-performance entre 12% et 15%.

Publié le


Mis à jour le

La pluie ne fait pas des agriculteurs les seuls heureux, même les boursicoteurs le sont, à en croire ce «petit» réveil du marché boursier. Il ne s’agit certes pas de performance depuis le début de l’année, mais de celle de ces derniers jours. En effet, la bourse a clôturé la séance du 5 décembre sur une hausse de 1,5%, celle du 1er sur 1% et celle du 17 novembre sur 2%. Et comme par hasard, il s’agit des jours où le ciel a été clément et a offert une pluviométrie satisfaisante. Toutefois, ces hausses ont été réalisées sur une volumétrie très faible, soit une vingtaine de millions de DH en moyenne par jour. Du jamais vu depuis bien longtemps ! Depuis le début de l’année, les transactions s’établissent sur une moyenne annuelle de 114 MDH seulement.
La bonne nouvelle dans ce contexte, si on peut dire, est que ces échanges, aussi faibles soient-ils, ne sont pas essentiellement vendeurs, comme cela a été le cas, lorsque le marché s’est enfoncé jusqu’à atteindre -22,5% en date du 11 novembre dernier. «Un léger mouvement à l’achat est constaté ces derniers jours de la part de tous les profils d’investisseurs. Mais le volume est tellement étriqué qu’une répartition des transactions selon le type d’investisseurs est difficile à dégager», explique le directeur d’une cellule de recherche. Un autre professionnel nous a livré une tout autre lecture. Selon lui, «le marché reste majoritairement vendeur, surtout du côté des investisseurs étrangers, qui, vraisemblablement, réalisent des allocations de fin de chaque année, en fonction des perspectives de croissance des marchés».
Un retour d’espoir chez certains, une simple reprise sans fondamentaux solides pour d’autres. Cette légère hausse du marché est bien là et devrait se poursuivre tant que la pluviométrie est bonne, parce qu’au final, les précipitations ont toujours été synonymes de bonne année agricole et de croissance économique. Même le moral des investisseurs retrouve sa forme. D’ailleurs, le marché n’avait réagi ni aux publications semestrielles des sociétés cotées, ni aux trimestrielles, censées être le baromètre des investisseurs pour leurs décisions de placements.
Cependant, tant que ce n’est pas encore une tendance de fond, qu’il s’agit encore que des premières pluies et que l’orientation de l’année agricole est toujours inconnue, le marché reste attentiste vis-à-vis des perspectives économiques. Il faut dire que même les opérations réalisées récemment sur le marché ont eu du mal à être bouclées, non que les valeurs ne soient pas intéressantes mais juste que le marché n’est pas porteur. Il est encore plus dans l’expectative, à l’approche de la fameuse réunion de Bank Al-Maghrib, le 27 décembre courant, qui décidera d’un relèvement ou non du taux directeur.

Taux directeur, pas d’impact significatif

Le consensus s’oriente vers une augmentation supplémentaire, allant jusqu’à 100 points de base, compte tenu, entre autres, de la pression qu’exercent les investisseurs sur le Trésor. Il n’en reste pas moins que, selon les professionnels approchés, ce relèvement n’aurait pas d’impact significatif sur le marché actions, ou, en tout cas, pas plus grave que le relèvement initial. Si accroissement il y a, le marché devrait certainement décrocher les 2 à 3 séances suivant l’annonce, le temps de la digérer, pour renouer avec cette progression remarquée ces derniers jours. Cela, bien sûr, si les perspectives de croissance économique de 2022 tendent vers la réalisation de l’objectif fixé et les perspectives de la capacité bénéficiaire de la cote sont projetées en amélioration.
Si, dans le cas contraire, la Banque centrale maintient sa politique monétaire inchangée, les investisseurs devraient-ils revenir en masse sur le marché ? Pas nécessairement, envisagent nos professionnels. Ils resteraient attentifs au comportement de l’économie marocaine, dans son ensemble. En fait, le marché boursier marocain est loin d’avoir cette corrélation inverse et définitive entre les taux directeurs et le comportement de ses indices boursiers. Combien de fois, la bourse a affiché de bonnes performances annuelles malgré que BAM ait opéré un changement du taux directeur, ou qu’il ait été déjà à un niveau élevé. L’année 2008 par exemple, la bourse a continué à afficher des progressions allant jusqu’à 10%, quelques mois même après la décision d’un relèvement du taux directeur de 3,25% à 3,50%. Un exemple contraire : BAM a abaissé son taux directeur à 3% en 2012. Pourtant, il n’y a pas eu un arbitrage vers le marché actions, qui a fini l’année sur une contre-performance de 14,7%.

Portefeuille de placement ? Difficile de se prononcer

Sur quelle performance devrait donc clôturer la bourse en cette année ? Actuellement, le marché est caractérisé par un effet de rattrapage, mais il est impossible qu’il revienne en territoire positif. Dans le cas où aucune mauvaise nouvelle ne se profile à l’horizon, le MASI devrait finir l’année sur une baisse de 12%. Toutefois, deux hics se présentent. Le 1er réside en le fait qu’à chaque fois que le marché va afficher un semblant de redressement, un mouvement de prise de bénéfices sera constaté surtout pour les investisseurs qui ont acheté au plus bas, cherchant à se libérer du marché. Le 2e sera l’annonce éventuelle de la hausse du taux directeur qui fera baisser le marché les séances suivantes, coïncidant avec la fin de l’année. Conjuguant ces deux éléments, le MASI devra conclure sur une contre-performance de 15%. Dans ces conditions, les professionnels du marché trouvent du mal à mettre en place un portefeuille de placement d’ici l’année prochaine. En cause, le manque de visibilité et l’attente des publications annuelles des sociétés cotées.

Les professionnels du marché partagés

Le pays a subi plusieurs coups en cette année dont la sécheresse, l’inflation, la hausse du taux directeur et les dispositions de la Loi de finances qui pénalisent les sociétés réalisant un chiffre d’affaires de plus de 100 MDH. Soulignons que le tir a été rattrapé à travers un amendement selon lequel ces sociétés seraient imposées à 20% si elles concluent une convention d’investissement avec l’Etat de 1,5 milliard de DH sur 5 ans. Les analystes restent optimistes quant à l’orientation du marché en 2023, compte tenu du trend haussier des réalisations des sociétés cotées qui démontrent une résilience face au contexte international et ses répercussions sur le Maroc. «En fonction de la pluviométrie toujours et de la capacité bénéficiaire des sociétés cotées attendues en hausse, le marché pourrait afficher une hausse de 10% ou même rattraper les pertes de 2022», lance cet analyste financier. Attijari Global Research n’est pas du même avis. L’entité de recherche estime que le marché actions n’a pas encore consommé l’essentiel de son potentiel baissier. En effet, les répercussions de l’affaiblissement de la demande et du contexte inflationniste seraient plus visibles durant les prochains trimestres. Ce scénario, rapportent les analystes, est soutenu par la décélération des revenus de la cote, passant d’une moyenne de 15,3% sur les deux premiers trimestres à 11,4% au terme du troisième. D’autant que les principaux contributeurs sont les secteurs de l’énergie et de l’agroalimentaire qui bénéficient d’un effet prix toujours positif. Néanmoins, ces évolutions sont loin de refléter la tendance des marges qui devraient être sous pression.