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Ligne de crédit modulable du FMI : Comment ça marche ?

Le conseil d’administration du Fonds monétaire international a approuvé, hier, un accord de deux ans au titre de la ligne de crédit modulable (LCM) d’un montant de 5 milliards de dollars au profit du Maroc. Voici ce qu’il faut savoir sur cet instrument, ses avantages et ce qu’il dit de l’économie marocaine.

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Après la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) qui s’est avérée bien utile durant la pandémie de Covid, le Maroc monte d’un cran dans ses relations avec le FMI, décrochant auprès de l’institution une Ligne de crédit modulable (LCM). Si ces deux instruments sont similaires en matière de fonctionnement et des objectifs poursuivis, ils diffèrent sur plusieurs aspects et non des moindres. Le premier concerne l’absence de conditionnalité. En effet, la LCM est un mécanisme de financement réputé par sa souplesse et assure aux pays admissibles un accès immédiat à un montant élevé de ressources du Fonds sans conditionnalité continue.

Le second concerne les critères d’éligibilité. Alors que la LPL est réservée aux pays membres du FMI dont l’économie est «foncièrement solide mais qui reste exposée à quelques facteurs de vulnérabilité», la LCM, elle, est réservée aux pays qui présentent «une politique et des antécédents économiques très solides pour prévenir et résoudre des crises». Pour le FMI, le Maroc fait bien partie de cette catégorie.

Le Royaume rejoint par la même occasion le cercle restreint des pays qui ont fait appel à la LCM : le Chili, la Colombie, le Mexique, le Pérou et la Pologne. Aucun d’entre eux n’a encore effectué de tirage sur sa ligne de crédit, mais la LCM a fourni à ces pays une garantie précieuse et a aidé à renforcer la confiance des marchés en période d’accentuation des risques.

Selon le FMI, outre l’accès sans conditionnalité aux ressources du Fonds, la LCM permet aux pays admissibles de bénéficier de «la souplesse de pouvoir effectuer un tirage sur la ligne de crédit à tout moment pendant une période déterminée, ou de la considérer comme un dispositif de précaution». Sur ce point, il faut noter que les autorités marocaines ont informé le FMI de leur intention de traiter la LCM comme un accord de précaution. Autrement dit, il ne compte pas tirer dessus pour renflouer le budget de l’État, mais compte plutôt  garder les devises allouées dans les comptes de Bank Al-Maghrib venant renforcer les réserves de change.

Un indicateur de confiance

Les critères de qualification sont l’essence même de la LCM, car ils servent à indiquer la confiance du FMI dans la politique économique du pays admissible et dans sa capacité à prendre des mesures correctives le cas échéant.

Selon un document du Fonds, le processus de qualification du pays membre repose sur la vérification de trois principes : la solidité de ses fondamentaux économiques et de son cadre institutionnel, la fermeté continue de sa politique économique, tant à l’heure actuelle que par le passé, et l’engagement pris par le pays de maintenir le même cap à l’avenir.

Outre l’évaluation très positive des politiques menées par le pays lors des plus récentes consultations au titre de l’article IV, plusieurs critères d’admissibilité sont nécessaires pour accéder à la LCM. Le FMI cite à cet égard la viabilité de la situation extérieure du pays, un compte de capital dominé par des flux de capitaux privés, des antécédents d’accès continu aux marchés de capitaux internationaux à des conditions favorables, la santé des finances publiques, notamment la viabilité de la dette publique, l’inflation maintenue faible et stable grâce à une saine politique monétaire et de change, ou encore un système financier sain et une absence de problèmes de solvabilité qui pourraient menacer la stabilité du système. Autant de critères qui, selon le FMI, sont respectés par le Maroc.

Combien ça coûte ?

Dans le cadre d’un accord biennal au titre de la LCM, le conseil d’administration du FMI doit conclure la revue des mesures prises par le pays membre dans les 12 mois qui suivent l’approbation de l’accord, pour que le pays membre puisse maintenir son accès aux ressources du FMI la deuxième année. La revue détermine si le pays membre continue de respecter les critères d’admissibilité. Lorsqu’un pays décide de tirer sur la ligne de crédit, le remboursement doit être effectué sur une période allant de 3 ans et un trimestre à 5 ans.

Le coût de l’emprunt au titre de la LCM est identique à celui de l’accord de confirmation traditionnel du FMI et de la ligne de précaution et de liquidité (LPL).

Lorsqu’un pays décide de faire appel aux ressources du FMI à titre de précaution, il verse une commission d’engagement qui lui sera remboursée au prorata s’il décide de tirer sur ces ressources pendant la période concernée. Cette commission d’engagement augmente selon le niveau d’accès disponible sur une période de 12 mois (15 points de base jusqu’à 115 % de la quote-part, 30 points de base pour 115 à 575 % de la quote-part, et 60 points de base pour plus de 575 % de la quote-part).

À l’instar des autres accords avec le FMI, le taux du prêt comprend, d’une part, le taux d’intérêt des droits de tirages spéciaux (DTS), qui est déterminé par le marché, et une marge (actuellement 100 points de base), qui constituent ensemble le taux de commission de base et, d’autre part, des commissions additionnelles qui dépendent du montant du crédit et de la période pendant laquelle il reste impayé.

Une commission additionnelle de 200 points de base est versée sur un encours de crédit supérieur à 187,5 % de la quote-part. Si l’encours du crédit reste supérieur à 187,5 % de la quote-part après trois ans, la commission additionnelle passe à 300 points de base. Ces commissions additionnelles sont destinées à décourager l’utilisation des ressources du FMI à grande échelle et de manière prolongée, souligne le Fonds. A noter qu’une commission de tirage de 50 points de base est appliquée au montant de chaque tirage.

Au final, le Maroc a réalisé un grand coup en décrochant cette LCM qui lui procure un «label de bonne qualité de la politique macroéconomique adoptée», et doit lui permettre de sécuriser, dans les meilleures conditions, le financement de son économie.