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Argent

Les titres de créances négociables ne séduisent plus autant

Les émissions ont augmenté de 19% à  fin octobre, ce qui tranche avec les taux de croissance
à  trois chiffres d’il y a 5 ans. Seuls les certificats de dépôts des banques affichent un certain dynamisme.
La hausse des taux et l’aggravation des risques des entreprises limitent le recours au marché des TCN.

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billet 200 2013 12 02

Le marché des titres de créances négociables (TCN) montre quelques signes d’essoufflement. Les émissions de certificats de dépôts, de billets de trésorerie et de bons des sociétés de financement ont, certes, atteint 47,3 milliards de DH à fin octobre, en progression de 18,8% par rapport à la même période de l’année dernière, selon les statistiques communiquées par Bank Al-Maghrib. Mais cette hausse est à relativiser, car si on la compare au dynamisme de ce marché durant les années 2008 (+212%) et 2010 (+68%), l’on peut facilement conclure qu’il y a un tassement. «Même les obligations privées ont perdu de leur attrait puisque sur cette année, le marché totalise à peine 5 milliards de DH avec seulement 4 émetteurs, à savoir les trois historiques TMPA, TMSA, Attijariwafa bank et le nouvel entrant, l’ONEE, avec son opération de titrisation»,a rapporte-t-on auprès d’une société de bourse.

Fini donc le temps où les émetteurs se ruaient sur ce marché, où les émissions doublaient chaque année de volume et où les investisseurs n’hésitaient pas à souscrire aux différents types de TCN. Il faut dire que pendant cette période, le marché actions venait d’être secoué par la crise, ce qui faisait fuir émetteurs et investisseurs. En même temps, le marché des bons du Trésor n’affichait pas un dynamisme particulier puisque les besoins de financement de l’Etat n’étaient pas encore aussi importants. Du coup, tous les intervenants recouraient fréquemment au marché de la dette privée. Les émetteurs réussissaient à financer leurs besoins de trésorerie à des taux adéquats sur des durées allant jusqu’à 5 ans. En face, les investisseurs bénéficiaient non seulement de taux de rémunération stables et intéressants, mais également d’un risque quasi nul et d’une liquidité importante.

Actuellement, la conjoncture est devenue défavorable sur ce marché. Certes, la Bourse de Casa est toujours morose et le financement à travers la dette bancaire est de plus en plus difficile en raison de l’assèchement des liquidités et de la montée des risques d’impayés. En revanche, «l’investissement dans les bonds de Trésor est devenu plus intéressant, car le Trésor a sensiblement augmenté ses recours au marché domestique pour combler ses besoins grandissants, ce qui a inscrit les taux sur un trend haussier depuis début 2012», explique le directeur d’une société de gestion. Conséquence, les investisseurs optent plus pour ce produit de placement que pour la dette privée, le profil de risque des entreprises s’étant dégradé compte tenu du ralentissement de l’économie.

Les certificats de dépôts représentent 84% du marché

Quoi qu’il en soit, cette hausse de 18,8% des émissions de TCN est imputable principalement aux établissements bancaires qui continuent d’émettre des certificats de dépôts (CD). Avec un volume de près de 40 milliards de DH à fin octobre, soit une part de marché de 84% du volume global du marché, les émissions de CD ont augmenté de 36% par rapport à fin octobre 2012. Augmentation qui ne s’explique pas par un intérêt particulier des banques pour ces titres, mais plutôt par l’accroissement de leurs besoins de financement dans un contexte de raréfaction de leurs ressources. D’ailleurs, elles doivent recourir régulièrement tant aux avances de BAM qu’aux CD pour garantir la continuité de leurs activités et préserver leurs ratios de liquidité.
Cela dit, ces émissions s’effectuent davantage sur le court terme que sur le moyen terme. Alors que l’année dernière, 87% des émissions bancaires ont été réalisées sur une durée allant de 32 jours à 2 ans, plus de 90% d’entre elles n’ont pas dépassé une maturité de 365 jours cette année. A côté, les taux ont affiché des hausses sensibles, liées au trend haussier emprunté par les taux des bons du Trésor. Par exemple, sur la maturité de 183 jours à une année, ils ont varié dans une fourchette allant de 4,1% à 4,6%, en progression de 17 à 51 points de base par rapport à fin octobre 2012.

Les taux d’émission sur le segment des billets de trésorerie obéissent à la même règle. Au moment où ces titres étaient émis avec un maximum de 4,50% à fin octobre 2012, ils ont atteint actuellement 5,52%, soit plus d’un point sur une année. En dépit de cela, le volume total des émissions s’est apprécié de 25%, à 7,3 milliards de DH. Il a été généré par Maghreb Steel qui a plus que quadruplé ses interventions sur ce marché, passant de 910 MDH à 3,3 milliards de DH. Notons que ce segment a accueilli un nouvel entrant, Jet Alu Maroc, avec un volume de 50 MDH. En revanche, bien des émetteurs ont délaissé ce marché à l’instar de la CAPEP, Nexans Maroc et Maghreb Oxygène. En cause, notamment, des taux d’intérêt élevés qui découragent la levée de fonds. Les autres (Addoha, Mutandis, Afriquia Gaz et Alliances Darna) continuent pour leur part de renouveler leurs programmes de billets de trésorerie avec presque le même montant que l’année précédente.

Par contre, sur le segment des bons de sociétés de financement, le montant des émissions est quasi nul. Mis à part Taslif qui a levé 40 MDH, ce marché n’a enregistré aucune autre opération, alors qu’à fin octobre 2012, le volume avait atteint 4,6 milliards de DH et a concerné plusieurs sociétés de crédit à la consommation et de leasing. Deux raisons sont derrière ce manque d’emballement. D’abord, l’activité de ces sociétés s’est dégradée, à cause notamment du ralentissement de la demande et de la concurrence des banques. Ces dernières se positionnent de plus en plus sur ce segment et ne cessent de grignoter des parts de marché aux sociétés de financement. Ensuite, vu le niveau des taux atteints sur le marché de la dette privée, les sociétés de financement préfèrent se refinancer auprès des banques sociétés mères. D’ailleurs, le taux maximum de financement de 4,72% en 2012 a augmenté pour se situer à 5,3%, enregistrant un bond de 58 points de base.
L’encours des TCN a baissé de 3,3%, à 76 milliards de DH

Au final, même si le volume des émissions s’est amélioré durant cette année, l’encours des TCN a baissé de 3,3% à 76 milliards de DH. L’encours des bons des sociétés de financement et des billets de trésorerie s’est replié de 22% et 17%, respectivement à 14,5 et 3,2 milliards de DH, alors que celui des certificats de dépôts s’est amélioré de 4%. En tout cas, les nouvelles émissions sur le marché n’ont pas réussi à compenser les remboursements parce qu’elles ont été réalisées sur de courtes maturités, «compte tenu de la hausse des taux et de la frilosité des investisseurs», explique le directeur d’une société de gestion. En effet, ces derniers préfèrent investir sur le court terme suite à l’aggravation des risques des émetteurs. D’ailleurs, ils optent davantage pour les CD dont l’encours avoisine 77% de l’ensemble du marché, que pour les autres types de TCN. Notre source explique que «les banques présentent des indicateurs solides malgré les difficultés engendrées par la crise de 2008. D’autant plus que BAM joue le rôle de régulateur et ‘‘protège’’ aussi le secteur bancaire contre une éventuelle faillite des banques. Ce qui rend les banques émettrices ‘‘too big to fail’’ et encourage les investisseurs à placer leur épargne dans les titres qu’elles émettent».

D’une manière générale, les professionnels contactés s’accordent à affirmer que le marché de la dette privée continuerait à perdre de son attrait tant que les taux sont élevés et que le placement direct en bons de Trésor est toujours plus intéressant et moins risqué.