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Les marges des sociétés cotées s’érodent mais restent confortables
La marge d’exploitation moyenne s’élève à 26,7% et la marge nette à 16,2% au premier semestre. Les locomotives de la cote gagnent moins, mais leur activité reste très rentable. Concurrence, renchérissement des intrants, investissements…, plusieurs facteurs expliquent le repli.

Evoluant dans des contextes sectoriels peu encourageants pour la plupart, les sociétés cotées ont fait preuve de résilience durant la première moitié de l’année en cours. Comme en témoigne la progression de la capacité bénéficiaire globale de 8%, à 16,7 milliards de DH. Cependant sur l’ensemble de la cote, 15 secteurs sur 23 ont subi à des degrés divers des tensions sur leurs marges d’exploitation, traduisant tout aussi bien l’intensification des pressions concurrentielles que la difficulté de rationaliser davantage leurs coûts. En effet, les marges ont connu une évolution mitigée cette année : la rentabilité opérationnelle globale s’est établie à 26,7%, en baisse de 1,2 point par rapport au premier semestre 2016, tandis que la marge nette s’est élevée à 16,2%, en hausse de 0,8 point, essentiellement grâce à des profits non récurrents.
Au vu de ces évolutions en demi-teinte, il serait intéressant de comparer les marges actuelles à celles d’il y a quelques années. En remontant à la période 2007-2009, la marge opérationnelle moyenne était de 19,4% et la marge nette moyenne de 12,5%. En 2016, ces dernières se sont établies respectivement à 26,5% et 14,2% ; soit des hausses de 7,1 et de 1,7 point. Il faut cependant noter que depuis 2009, une dizaine de valeurs se sont introduites, ce qui pourrait expliquer en partie cette évolution. En éclatant les marges moyennes par secteur, il en ressort en fait une baisse palpable au fil des années, notamment pour les locomotives de la place.
Maroc Telecom : 30% de marge nette il y a dix ans
Le secteur des télécoms, par exemple, représenté par sa seule valeur, Maroc Telecom, réalisait les plus fortes progressions en termes de marges. Durant la période 2007-2009, la marge opérationnelle moyenne de l’opérateur s’établissait à 45,9% contre 29,7% en 2016, pour une rentabilité nette de 30,8% (contre 18,8%). Il faut dire qu’à l’époque, le niveau des prix appliqué à la fois dans le mobile, le fixe et internet, lui permettait de réaliser des marges confortables, surtout avec l’absence totale d’endettement financier et un niveau d’investissement modéré. Aujourd’hui, les marges de l’opérateur sont toujours élevées mais bien moins importantes que les années précédentes, impactées par la conjonction de plusieurs éléments, notamment l’intensification de la concurrence au Maroc et en Afrique, exerçant une pression plus accrue sur les prix, l’augmentation des investissements et des effectifs, contribuant à un alourdissement des charges d’exploitation, et l’endettement du groupe avec un encours passé de moins de 5 milliards de DH à près de 12,3 milliards de dirhams au 31 décembre 2016.
En seconde position, il y avait le secteur de l’immobilier qui affichait un taux de marge opérationnelle moyen de 32,7% entre 2007 et 2009 (contre 20,5% en 2016) et un taux de marge nette de 22,3% (contre 13,9%). Les sociétés du secteur de l’époque (Alliances, Addoha et CGI) dégageaient une forte rentabilité malgré le ralentissement de l’activité immobilière et un alourdissement des charges en raison de la poursuite des grands chantiers lancés, et ce, grâce à des prix relativement élevés. En tête de liste, Alliances Développement dont la marge nette moyenne s’établissait à 25,3% (contre 5% en 2016), tandis que celle d’Addoha s’établissait à 21,5% (contre 15,8%). Avec ces niveaux, le secteur de l’immobilier coté dépassait la plupart des groupes cotés à l’étranger : 8% au maximum dans les pays européens. Même les grands groupes intégrés dépassent rarement 10% de marge. Le géant français Nexity, par exemple, avait dégagé en 2009 une marge opérationnelle de 7,3% seulement, pour une marge nette inférieure à 1%.
Aujourd’hui, le secteur regorge encore de potentiel (déficit important de logements économiques dans les grandes villes, portefeuille de projets prometteur en Afrique, etc.), mais les niveaux de marges ont sensiblement diminué. Et les explications sont nombreuses, notamment un tassement des ventes qui touche dorénavant tous les segments, conjugué à une concurrence sectorielle de plus en plus accrue, exerçant une tension sur les prix de vente. Un autre point est celui de l’endettement qui est monté en flèche, grignotant ainsi la rentabilité du secteur. Conscients de cela, les groupes immobiliers cotés ont entrepris depuis ces dernières années des plans d’assainissement de leurs situations financière et de rationalisation des charges d’exploitation. En 2016, Alliances a réussi à baisser ses frais d’exploitation de 47% suite à une meilleure maîtrise des coûts de production et des charges de structure. Même constat pour Addoha, dont le résultat d’exploitation courant est ressorti en hausse de 20%, à 1,46 milliard DH, durant la même année, du fait de la baisse des charges opérationnelles, aboutissant à un taux de marge de 21, contre 17% à fin 2015.
Des marges plus élevées qu’à l’international
Le secteur des matériaux de construction réalisait, pour sa part, les plus fortes marges de la place après les télécoms et l’immobilier. Entre 2007 et 2009, la rentabilité d’exploitation moyenne était de 27,2% (contre 26% en 2016) pour une rentabilité nette de 19,6% (contre 11,3%). Toutefois, la comparaison entre les rentabilités nettes des deux périodes est à relativiser. Car 2016 était une année particulièrement difficile pour le secteur qui a vu sa marge nette chuter de quasiment 7 points sur l’année, impactée notamment par Ciments du Maroc qui a vu son RNPG basculer dans le rouge (-136 MDH) suite à la comptabilisation de la provision d’impairment de sa participation dans Suez Cement Company à hauteur de 1 253 MDH, elle-même induite par la dévaluation de 55% de la livre égyptienne en 2016. Sans compter le déficit de Sonasid qui remonte aujourd’hui la pente grâce à une meilleure conjoncture sectorielle.
En tout cas, pour ne citer que les cimentiers de la place, ces derniers dégageaient des niveaux de marge exceptionnellement élevés, défiant les performances des plus importants opérateurs du ciment dans le monde. Lafarge arrivait en tête dans le secteur avec une rentabilité nette de près de 34% sur la période 2007-2009. Ses performances opérationnelles, mais aussi les relèvements successifs des prix de vente du ciment et la détente des cours des combustibes expliquaient ce niveau de marge élevé. Aujourd’hui, le groupe, fruit d’une fusion avec Holcim, continue de réaliser des marges élevées, mais moins importantes (marge nette de 25% en 2016). Quoi qu’il en soit, le secteur a le mérite de prouver sa résilience ces dernières années, malgré un contexte bien plus difficile (tassement de la consommation du ciment, recul des mises en chantier, concurrence féroce, etc.), en réduisant notamment ses coûts (achats groupés de combustibles, substitution énergétique) et en optimisant pour certains les performances industrielles dans le cadre de la réalisation des synergies entre les entreprises fusionnées (LafargeHolcim).
Si les 3 secteurs cités plus haut ont vu leurs marges s’éroder au fil des années, ce n’est pas le cas du secteur minier. Ce dernier, avec le secteur de l’électricité, margeait moins il y a quelques années, avec une marge d’exploitation moyenne de 5,3% et une rentabilité nette moyenne de 1,5%. Aujourd’hui, le secteur rapporte beaucoup plus avec une marge opérationnelle de 20,3% et nette de 14,4% à fin 2016. Il faut dire que les minières, pour faire face aux éventuelles baisses des prix à l’international, multiplient les efforts pour réduire au maximum leurs cash cost et développer des gisements à forte valeur ajoutée. Par ailleurs, il est utile de préciser qu’à l’issue du premier semestre 2017, le secteur a généreusement contribué à la formation du chiffre d’affaires global avec un apport de 679,6 MDH, capitalisant sur l’évolution des prix et du volume des métaux produits, et il se place comme premier contributeur à la croissance de la masse bénéficiaire, avec un additionnel de 581,2MDH, soit 47% de la croissance globale.
[tabs][tab title = »Ces valeurs qui se démarquent« ]Avec une marge nette de 9,8%, en progression de 9,2 points, Snep se place parmi les valeurs dont la rentabilité nette a progressé le plus à fin juin 2017. Cette évolution intègre une montée en flèche du RNPG qui a marqué un bond de 18,1x. Pour rappel, la société a vu ses indicateurs financiers fortement progresser, profitant notamment des effets du retour à la normale des conditions concurrentielles tant sur le plan national qu’international. Pour sa part, le groupe Immobilier Résidences Dar Saada a amélioré sa marge nette de 8,7 points, à 16%. (Alors qu’Alliances et Addoha se sont contentées de hausses limitées à 1,1 pt et 1,9 pt). La dernière recrue du secteur coté a en effet porté son RNPG à 146,6 MDH, en expansion de 2,3x par rapport au S1-2016, profitant notamment d’une amélioration des ventes, un mix produits positif, conjugué à une meilleure maitrise de ses charges d’exploitation.[/tab][/tabs]
